À propos d’une étude génétique sur l’agressivité des taureaux de corrida

Publié le 17 février 2022

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Le 3 février 2022, sur son blog et dans la presse locale, Hugues Bousquet, porte-parole des aficionados biterrois, s’est fait l’écho d’une étude réalisée par des chercheurs espagnols sur le patrimoine génétique  de taureaux de la féria San Isidro (Madrid, Espagne). L’article traduit de l’espagnol, peu clair, usant de termes pseudo-scientifiques et dont on peine à comprendre l’intérêt, présente comme une  » découverte importante  » la présence de gènes qui seraient responsables de l’agressivité chez le taureau de combat et que ce dernier partagerait avec « différentes espèces y compris l’homme ». Ce qui, selon les auteurs, « confère à la race taurine une richesse exceptionnelle (…) et montre le caractère exceptionnel du taureau de combat ». 

Le Petit Journal, 3 février 2022, d'après le blog d'Hugues Bousquet.

Et alors ?

À la lecture de l’article, la première remarque qui vient à l’esprit, c’est : « Et alors ? » Quand bien même le taureau « de combat » – dénomination sortie de l’imaginaire taurin pour légitimer son utilisation – serait un animal agressif, est-ce que cela justifie le fait de le placer dans une situation de souffrance extrême dans une arène dans le but de divertir des spectateurs ? Bien sûr que non. Pourquoi pas de véritables fauves et grands prédateurs, tels des lions,  dans les arènes de Béziers ?! 

Par ailleurs, nous rappelons que : 

La race des taureaux de corrida est entièrement fabriquée par l’homme. Pendant des décennies, celui-ci a multiplié des croisements et sélections génétiques pour chercher à produire des animaux « aptes à la corrida », c’est-à-dire présentant des qualités de « bravoure » (qualité d’un animal qui répond aux provocations en chargeant inlassablement malgré la douleur des piques, des banderilles et malgré l’épuisement) et des qualités de « noblesse » (qualité d’ un animal qui charge de manière régulière, rectiligne, sans donner le moindre coup de corne anarchique,  de façon à être toréable). 

Le taureau de corrida n’est le prédateur d’aucune espèce. C’est un herbivore paisible qui ne devient agressif que dans l’arène où les coups et les blessures l’obligent à se défendre. Ses réactions de charges sont des réactions de défense, avivées par la douleur.  D’ailleurs, on peut lire dans le dictionnaire de la tauromachie que le taureau brave est « un herbivore fondamentalement paresseux et indolent (…). Il ne charge que s’il est dérangé, importuné, inquiété (…)« . (La Tauromachie, histoire et dictionnaire, p. 366). 

Réponse de médecins et vétérinaires.

Devant tant d’inexactitudes et de contre-vérités scientifiques, des médecins et docteurs vétérinaires issus des collectifs COVAC (COllectif des Vétérinaires pour l’Abolition de la Corrida) et PROTEC (PROTégeons les Enfants de la Corrida) ont communiqué dans l’hebdomadaire le Petit Journal pour faire connaître avec davantage de rigueur le contenu de l’étude en question et répondre aux approximations et à la désinformation du milieu taurin. 

À propos d’une étude génétique sur l’agressivité des taureaux de corrida

Un récent article titré « Le taureau de combat n’est pas un bœuf« , paru dans l’édition du 3 février du Petit Journal, recopiait un billet du blog d’Hugues Bousquet, porte-parole de l’aficion biterroise.

Nous passerons sur le titre. Il n’est guère besoin d’études approfondies pour distinguer un taureau et un bœuf. Mais peut-être l’auteur voulait-il simplement mettre sur la touche les amateurs de course camarguaise et leurs  » biòus »…

Quelle est donc cette « découverte importante » que relate Hugues Bousquet dans sa traduction approximative d’un article de Mundotoro, lequel reprend un communiqué de l’Union des Éleveurs de Taureaux de Corrida d’Espagne ?

On peut y lire : « Après avoir comparé les différences d’expression génétique entre les taureaux (quatre ans) et les novillos (trois ans), 50 gènes promoteurs et 193 gènes suppresseurs de réponses agressives ont été trouvés dans le cortex préfrontal ». Cette phrase-clé rend remarquablement compte de l’inculture scientifique du monde de la tauromachie : elle est fausse. Les chercheurs espagnols ont simplement comparé la quantité totale d’ARN messager dans le cortex préfrontal (la partie antérieure du cerveau) entre six taureaux et huit novillos. Et ils ont trouvé que, sur l’ensemble des gènes identifiés, 50 gènes produisent davantage d’ARN messager chez les taureaux de 4 ans, et que 193 gènes en produisent moins. À ce stade, ces gènes n’ont rien à voir avec l’agressivité.

Les auteurs de l’étude ont ensuite comparé ces 243 gènes à une liste de gènes censés être associés à l’agressivité chez les taureaux, les renards, les rongeurs ou les humains. Ils ont trouvé en commun 19 gènes exprimés dans le cortex cérébral, sans toutefois que les calculs statistiques permettent d’affirmer que ce résultat n’est pas dû au hasard.

Puis on lit dans le billet d’Hugues Bousquet que, selon la principale auteure de l’étude, la race taurine « pourrait servir de modèle expérimental pour étudier les itinéraires qui se produisent d’une manière similaire chez l’homme« . Ceci est fort contestable. Evidemment, certaines voies métaboliques communes peuvent entrer en jeu dans certains comportements agressifs chez les mammifères. Mais les causes et les modalités des conduites agressives diffèrent beaucoup d’un animal à l’autre, voire chez le même animal selon sa cible, et surtout elles sont très particulières et très diverses chez l’homme.

Le taureau dit « de combat » va quant à lui réagir au stress et à la douleur dans un espace clos en chargeant ce qui bouge. D’ailleurs, si les aficionados lisaient un article des mêmes chercheurs publié en avril 2021, ils y liraient « Nous avons aussi trouvé que les régulateurs en amont promouvaient une augmentation de la nociception« , la nociception étant la réaction douloureuse à une agression de l’organisme. Voilà qui est fort peu compatible avec la thèse saugrenue selon laquelle la β-endorphine rend le taureau de combat insensible à la douleur, thèse que Hugues Bousquet aime à répéter.

Dorothée Aillerie, docteur vétérinaire
Fanny Casali, docteur vétérinaire
Martine Danaux, médecin
Jean-Paul Richier, médecin, praticien hospitalier

Le Petit Journal, 17.02.2022

à propos

Le COLBAC a pour but final l’abolition de la corrida. Nous nous opposons à la propagande et à la désinformation du milieu taurin, ainsi qu’à la justification de la torture animale comme relevant d’un art ou d’une tradition encore acceptable.

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