Une initiative législative populaire (ILP) avait été lancée en Espagne par la plateforme No es mi cultura, dans le but de faire examiner au Parlement une proposition de loi visant à retirer à la corrida son statut de bien d’intérêt culturel.
Cette initiative citoyenne avait recueilli 715 606 signatures, soit bien au-delà du seuil requis de 500 000 pour qu’elle soit débattue au Congrès des députés.
Le 7 octobre 2025, lors du vote préliminaire qui devait permettre d’autoriser ou non l’examen du texte en commission, l’ILP a finalement été rejetée, mettant un terme à la procédure.
Les anticorrida espéraient à travers cette initiative ouvrir enfin un débat national sur la remise en cause du statut de “bien culturel” qui protège la corrida en Espagne.

Le PSOE fait échouer le débat
Position | Partis | Détail |
---|---|---|
✅ Pour (en faveur de l’initiative) | Sumar, Unidas Podemos, ERC (Esquerra Republicana de Catalunya), Bildu, BNG, Junts per Catalunya, Compromís | Ces groupes défendaient le retrait du statut de bien d’intérêt culturel accordé à la tauromachie. |
❌ Contre | PP (Partido Popular), Vox | Ils ont invoqué la défense de la tradition et de la culture espagnole. |
⚪ Abstention décisive | PSOE (Partido Socialista Obrero Español) | L’abstention a empêché l’examen en commission et provoqué le rejet immédiat. |

Résultat des votes : 57 pour, 169 contre, 118 abstentions — dont celle décisive du PSOE, qui a fait échouer le texte.
Le 23 septembre dernier, l’un des porte-parole du PSOE avait pourtant annoncé que son parti autoriserait le débat sur l’ILP. « Rejeter cela serait antidémocratique », avait-il déclaré, avant d’ajouter « La démocratie n’a pas pour vocation de préserver ce que nous sommes, mais de décider de ce que nous voulons être. Rejeter un tel débat revient à empêcher notre démocratie de fonctionner. La culture ne se conserve pas dans le formol : de grandes traditions historiques ont disparu, et d’autres sont nées. »
Lors du débat ce 7 octobre, la députée socialiste Maribel García a justifié le revirement du parti en invoquant le « respect et la coexistence ». Selon elle, la culture « ne doit pas être imposée ni abolie par décret », mais « évoluer librement dans la société ».
Si le PSOE reconnaît que l’objectif initial était de permettre le débat, il a expliqué que « des divergences internes ont finalement conduit à l’abstention », qualifiant le sujet de « source de discorde au sein du parti ».
De leur côté, les porte-parole du Parti populaire (PP) et de Vox ont défendu la tauromachie comme un élément essentiel de la tradition culturelle espagnole, et dénonçant l’ILP comme une « attaque contre l’âme espagnole ».
Sans l’abstention du PSOE, la proposition aurait franchi la première étape parlementaire. Son rejet signifie que la corrida conserve en Espagne le statut de patrimoine culturel, établi par la loi de 2013, qui protège la tauromachie contre toute interdiction locale.
Ce vote a provoqué une immense déception dans le mouvement animaliste espagnol, qui dénonce une trahison du PSOE, ayant cédé aux pressions pour des raisons électoralistes.
« La trahison du PSOE est énorme », a déclaré Marta Estéban, coordinatrice de l’ILP. « Nous avions rencontré des représentants du parti, qui nous avaient assuré que la première étape – l’admission du texte – serait franchie. Puis, en arrivant au Congrès mardi, nous avons compris que quelque chose se passait : les visages étaient fermés, et plus personne ne répondait à nos messages. »
Le lendemain, les opposants à la corrida se sont rassemblés devant le Congrès des députés, visant directement Pedro Sánchez, président du gouvernement espagnol et secrétaire général du PSOE.
Ils ont scandé :
HONTE ! Le PSOE a trahi sa parole et les 715 000 signataires ! (…) Le PSOE a perdu toute crédibilité. Ni oubli ni pardon. »
Et de conclure :
« Il est temps de transformer la frustration en force : sécher les larmes, serrer les dents et continuer à se battre. Parce qu’on n’abandonne pas et qu’on ne recule pas. »
L’ILP proposait d’abroger la loi 18/2013 afin que le pouvoir d’interdire ou de réglementer les spectacles taurins revienne aux communautés autonomes et aux municipalités. Avant cette règle, les pouvoirs en matière de culture et de divertissement revenaient aux communautés autonomes et à quiconque décidait de les déléguer. Cependant, la loi de 2013 a établi un cadre juridique étatique qui prime sur les décisions locales.
Ce changement a eu des conséquences concrètes, comme l’annulation de la loi catalane de 2010 interdisant la corrida et de la réglementation baléare de 2018 qui empêchait la mort du taureau dans les arènes.
Selon l’Annuaire des statistiques culturelles du ministère de la Culture, les célébrations taurines ont diminué de 62 % entre 2009 et 2023, passant de 2 684 à 1 021 entre ces années. Un rapport du ministère de la Culture de 2023 indique que seulement 6,3 % de la population a assisté à un spectacle taurin l’année dernière. Sur ce pourcentage de spectateurs, 68 % ont accédé avec des billets gratuits ou subventionnés. Une enquête Ipsos de 2023 révèle que 77 % des Espagnols soutiennent l’interdiction de la corrida, un pourcentage qui atteint 82 % chez les moins de 35 ans.
Source : Le Congrès approuve le traitement de l’ILP anti-corrida pour abroger la protection de la tauromachie en tant que patrimoine culturel. El Mundo 7 avril 2025 repris ici .