Robert Margé, manageuréador des corridas, déplore des pertes financières.
Qui va l’entendre, l’aider, sécher ses larmes et réemplir la caisse ? Qui donc ?
L’édition 2010 de la feria biterroise a eu lieu du 12 au 15 août. Elle appelle plusieurs observations de notre part :
Fréquentation en baisse.
Selon les calculs officiels de la police, 945.000 personnes auraient participé à la feria 2010. C’est moins qu’en 2009 où on avait compté entre 1 et 1,2 million de festaïres. Beaucoup de personnes ne se contentent pas d’une seule nuit de feria et y retournent les nuits suivantes. Ces festaïres sont comptés plusieurs fois. Les estimations chiffrées de la police sont donc supérieures à la réalité.
Corridas en crise
Les 2 premières corridas (12 et 13 août), avaient été conçues pour glorifier Sébastien Castella, né à Béziers, grandi à Béziers et devenu un matador célèbre. Une publicité démesurée, coûteuse, sans précédent, avait été faite pour ces 2 corridas et pour Sébastien Castella, présenté comme le héros, le grand homme de Béziers. Pour contribuer au succès des 2 spectacles, Robert Margé, organisateur des corridas biterroises, avait engagé, en plus de Castella, les matadors les plus réputés de la planète : Enrique Ponce, El Juli, Morante de la Puebla et José Maria Manzanares, 4 toreros qui drainent les foules et dont le nom à lui seul est capable de remplir les grandes arènes d’Espagne et d’Amérique latine. Quelques jours avant le début de la feria Robert Margé reconnaissait qu’embaucher de telles vedettes coûte très cher financièrement et déclarait aux journalistes que si, avec de telles stars au programme, l’arène de Béziers ne faisait pas le plein, il devrait revoir toute sa politique taurine. Or malgré tant de circonstances favorables, les 2 principales corridas de la feria n’ont pas fait le plein. Dans un passé récent, même avec des toreros moins illustres, il arrivait que des courses de taureaux biterroises se déroulent devant des gradins archicombles. Dans le Midi libre du 16 août, Robert Margé, tirant les leçons de son double échec, admet qu’il devra renoncer désormais aux corridas de luxe. Il admet ainsi implicitement que ces 2 spectacles lui ont coûté plus cher qu’ils ne lui ont rapporté et qu’il ne peut se permettre de renouveler ce déficit. Désormais Margé mettra au programme des toreros moins cotés et moins coûteux. Cette baisse de qualité ne manquera pas de provoquer une nouvelle chute du nombre des spectateurs et réciproquement, recul qualitatif et recul quantitatif s’aggravant mutuellement. C’est la spirale du déclin.
Que sont les peoples devenus ?
Naguère les vedettes de la politique et du show business jugeaient indispensable de se montrer dans les grandes ferias et au premier rang des arènes. Dans les comptes rendus de ferias, les quotidiens publiaient les photographies et reproduisaient les déclarations de politiciens comme Jean-Pierre Raffarin, François Fillon, ou Jean-Claude Gayssot, d’acteurs de cinéma comme Gérard Jugnot ou Denis Podalydès, de sportifs connus comme le rugbyman Daniel Herrero ou le judoka député David Douillet. Depuis 2009, ces vedettes, sentant le vent tourner, ont compris qu’en se montrant dans les ferias et aux arènes, il y avait, pour leur popularité, plus à perdre qu’à gagner. Ils ont donc choisi de s’absenter et leur absence s’est confirmée en 2010. Même André Manoukian, concepteur de l’affiche de la feria et inventeur de la tauromachie moderne, est resté loin de Béziers. La corrida perd ainsi la caution de ces célébrités. Sachons apprécier ce signe des temps. Les conséquences seront considérables.
Tapage nocturne
C’est une des plaies de toutes les ferias biterroises. Les innombrables bodegas, casitas et autres débits de boisson, dans leurs émissions musicales, rivalisent de décibels parce qu’ils savent que c’est le moyen d’attirer la clientèle. Le bruit fait partie avec l’alcool de cette « défonce » que les gens mal dans leur peau viennent acheter à la feria. Le seuil de danger est à 90 décibels. Jacques Amiel, expert acousticien auprès du conseil d’Etat, qui observe la feria depuis des années, parle pour 2010, de record absolu : il a relevé des pics sonores de 128 décibels. De quoi causer en quelques minutes des lésions irréversibles. On comprend que les habitants de Béziers haïssent la feria et qu’ils soient des milliers à fuir leur ville pendant ces nuits de démesure.
L’alcool au volant
L’abus de boisson pendant les ferias a fait d’innombrables victimes. En 2009 un jeune automobiliste qui quittait la feria de Béziers en état d’ébriété a heurté un autre véhicule. Bilan : 5 morts. Le COLBAC est à peu près seul à combattre cette plaie de la feria (démarches répétées auprès des pouvoirs publics, distribution de tracts dans tout le centre ville, etc). En 2010, pour la première fois, les pouvoirs publics ont fait semblant de se mobiliser contre la conduite en état d’ivresse et ont annoncé qu’ils opéreraient pendant la feria des contrôles d’alcoolémie. Contrôles bien symboliques : seulement à 3 sorties de Béziers et à peine plus de 2.000 contrôles pour près d’un million de festaïres.
Calculez vous-même combien d’automobilistes éméchés sont passés à travers les mailles du filet…