Programmation taurine de la féria de Béziers 2022 : analyse critique

Publié le 17 avril 2022

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Les directeurs des arènes de Béziers ont présenté cette semaine, en présence de Robert et Emmanuelle Ménard, l’affiche et la programmation taurine de la prochaine féria. L’édition 2022 comporte quatre corridas, deux novilladas et, nouveauté, trois spectacles taurins « populaires et familiaux » sans mise à mort, dont une course camarguaise, une première dans l’histoire de la feria biterroise.

On pourrait se réjouir de la programmation de spectacles sans effusion de sang s’ils venaient se substituer à l’une ou à l’ensemble des corridas, mais ils sont programmés en plus des corridas.

Il est important de relever que ce n’est pas la municipalité qui organise ces spectacles, mais l’entreprise privée Betarra, sous-locataire des arènes et nouvelle empresa : c’est elle qui  empochera toutes les recettes, y compris celles de la buvette.

Olivier Margé, l’un des associés de Betarra, explique qu’il souhaite diversifier l’offre pour « répondre à tous les goûts » et « séduire un large public au-delà des amateurs de corridas ».
En réalité, il s’agit pour l’entreprise Betarra d’une opération lucrative et habile qui va lui permettre de rentabiliser les arènes, de combler le déficit financier des corridas, mais aussi de financer la tauromachie sanglante et en particulier l’école taurine de Béziers.

Spectacles organisés par Betarra, en plus des corridas. Ils vont financer la tauromachie.

Rentabiliser les arènes

Depuis de nombreuses années, les corridas ne font plus le plein dans les arènes françaises. Béziers n’échappe pas à la règle : 4 000 spectateurs en moyenne en 2019, alors que les arènes offrent 13 000 places.
Ainsi, Betarra veut attirer le public vers les corridas par le biais de spectacles plus éthiques autour du cheval et du taureau, susceptibles de donner envie aux touristes et aux non-initiés d’aller plus loin dans la découverte de la tauromachie. Des spectacles peu onéreux (10 euros), voire gratuits pour peu que l’on achète…l’abonnement aux corridas : seulement 85 euros le « package féria » comprenant les 6 corridas, la course camarguaise et les spectacles équestres en soirée !

Ces spectacles bon marché et attrayants vont remplir les arènes et renflouer la trésorerie de Betarra, compensant ainsi les pertes financières liées aux corridas espagnoles qui répugnent tant de citoyens en raison de la cruauté qu’elles infligent à des êtres sensibles. 

Financer l'école taurine et la tauromachie

Ce que les associés de Betarra (le torero Sébastien Castella, l’éleveur de taureaux Olivier Marge, le producteur Simon Casas) et le maire de Béziers Robert Ménard ne disent pas, c’est que ces spectacles vont aussi financer directement la tauromachie sanglante et en particulier l’école taurine de Béziers qui apprend aux enfants et aux adolescents « l’art » et la manière de trucider de jeunes bovins. En effet, sur chaque billet vendu, 1 € et 0,50 € seront reversés respectivement  à l’école taurine et  à l’Union des Villes Taurines de France, conformément à ce que stipule une clause du contrat de sous-location des arènes conclu entre la municipalité et la société Betarra.

Ainsi, sans le savoir, les spectateurs – et parmi eux des personnes opposées à la tauromachie espagnole – vont financer la corrida. 

Extrait du bail de sous-location des arènes.

En 2021, Robert Ménard a cessé de subventionner l’école taurine – 30 000 euros lui étaient alloués chaque année – mais dans le même temps, il fait inscrire dans le bail de sous-location des arènes une clause visant à garantir la survie économique de l’école par le biais des billets vendus par Betarra.
Il réaffirme ainsi son soutien absolu à l’école taurine et à l’éducation des enfants à la violence envers les animaux.
Pour satisfaire les intérêts du mundillo, Robert Méanard méprise l’intérêt des enfants : il ignore les recommandations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU qui, en 2016, a exhorté la France à tenir les mineurs à l’écart de la tauromachie sanglante en raison de sa violence. La responsabilité d’un maire est pourtant de protéger les enfants de toutes les formes de violence. 

Penser l'après-corrida ?

En raison de l’incontestable cruauté qu’elle inflige publiquement aux taureaux et aux chevaux, la corrida est vouée à disparaître. Le milieu taurin sait pertinemment que ses jours sont comptés. Ainsi, l’empresa des arènes prépare l’avenir et élargit son activité à l’organisation de spectacles éthiquement plus acceptables.
Le bail de sous-location signé avec la municipalité de Béziers lui donne d’ailleurs la possibilité d’organiser des spectacles sans aucun lien avec la tauromachie puisqu’il stipule : « De manière accessoire, la société [Betarra] pourra organiser des spectacles non-tauromachiques sous la condition qu’elle ait obtenu l’accord express de la Commune pour l’organisation de ces spectacles, et sous réserve de solliciter cet accord au minimum un mois avant la date prévue.  » 

La tenue d’une course camarguaise est une première dans l’histoire de la féria biterroise. Le fait qu’elle soit organisée par Betarra n’est pas innocent. Pour les organisateurs et les défenseurs des corridas, les courses camarguaises, comme les courses landaises, sont d’abord une manne de spectateurs : en effet, le public des unes et des autres est pour une large part le même. Par ailleurs, courses camarguaises et courses landaises font office de « boucliers » : en mettant en avant les traditions taurines toutes confondues et en entretenant sciemment l’amalgame entre les différentes tauromachies, le mundillo tente de résister aux attaques qui visent seulement la corrida. Seule la tauromachie espagnole est menacée d’abolition en raison de l’incontestable cruauté qu’elle inflige publiquement aux taureaux et aux chevaux. Mais le milieu taurin dans son ensemble fait bloc : gens de la bouvine et gens de la corrida se soutiennent mutuellement, les deux  milieux sont imbriqués. L’organisation d’une course à la cocarde à Béziers, pendant la féria, à l’initiative de Betarra, en est un nouvel exemple. 

L'affiche de la féria évolue

Contrairement aux années précédentes, l’affiche de la féria 2022 ne met en avant ni taureau ni matador. La part de la tauromachie s’est considérablement réduite et la corrida est seulement évoquée par une femme andalouse et par les arènes (avec un matador au centre, mais si petit qu’on ne le distingue quasiment pas). 

Faut-il y voir les prémices d’une évolution et l’aveu que la tauromachie espagnole repousse plus de public qu’elle n’en attire ? 

Nous ne cessons de le répéter : la corrida nuit à l’image de Béziers. Elle est un répulsif pour les touristes. 

Affiche 2022
Affiche 2021
Affiche 2019

Pas d'encierro à Béziers !

Le projet de lâcher de taureaux de corrida (encierro) dans les rues de Béziers est abandonné, a priori définitivement. Il était fortement envisagé pour relancer la fréquentation de la féria et des arènes. Pour satisfaire encore les intérêts du milieu taurin, Robert Ménard défendait ce projet avec force, au détriment de la sécurité de la population et de la condition animale. Simon Casas, l’un des trois associés de Betarra, a expliqué : « Ça pose un problème de sécurité extrême. Trop de risques. C’est bien beau de se faire plaisir, mais toujours dans le respect de la sécurité ».

Le COLBAC avait dénoncé un divertissement dangereux pour la population, stressant et cruel pour les taureaux, consistant à s’amuser avec des animaux et à les « livrer » à la foule avant de les torturer dans les arènes.

Conclusion

Pour remplir les gradins et survivre économiquement, les directeurs des arènes de Béziers sont contraints d’élargir la programmation taurine à des spectacles autres que les corridas : ils apportent la preuve que Béziers doit évoluer et tourner la page de la tauromachie cruelle. La seule féria capable de faire rayonner notre ville est une fête sans souffrance et sans effusion de sang. Une fête célébrant ce qu’il y a de meilleur et pas ce qu’il y a de pire dans les traditions biterroises. 

Dans la presse

à propos

Le COLBAC a pour but final l’abolition de la corrida. Nous nous opposons à la propagande et à la désinformation du milieu taurin, ainsi qu’à la justification de la torture animale comme relevant d’un art ou d’une tradition encore acceptable.

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