PPL corrida : le vote saboté

Publié le 27 novembre 2022

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Ce 24 novembre 2022 était discutée en séance publique la proposition de la loi (PPL) visant à l’abolition de la corrida, dans le cadre de la niche parlementaire de La France Insoumise à l’Assemblée nationale.

(Article du COVAC, reproduit avec son aimable autorisation) 

Le 24 novembre 2022 était le jour de la niche parlementaire de LFI. Il s’agit d’une des très rares journées durant laquelle un groupe d’opposition peut mettre des propositions à l’ordre du jour. 
La discussion sur la PPL pour l’abolition de la corrida était très attendue, d’autant que le groupe LFI lui avait in extremis attribué la deuxième place, après la PPL constitutionnelle pour le droit à l’IVG et à la contraception (laquelle a été largement adoptée).

Les débats sur l’abolition de la corrida, consultables sur le site vidéo de l’Assemblée, ont commencé vers 17 heures.

Aymeric Caron, en tant qu’initiateur de la PPL et rapporteur de la Commission des lois, a d’abord présenté sa proposition.

Puis Dominique Faure, la secrétaire d’État chargée de la ruralité est intervenue en tant que représentante du gouvernement. Au terme d’un laborieux galimatias visant entre autres à faire croire que ledit gouvernement était sensible à la condition animale, elle a invité les députés « à voter contre cette proposition de loi ».

Ensuite la discussion générale a commencé, mais, au terme de la première intervention, Aymeric Caron a demandé la parole.
C’est cette prise de parole brève (de 17h27 à 17h33), mais extrêmement houleuse, que nous mettons en ligne ci-dessous.

Il y a tout simplement annoncé le retrait de sa PPL, en raison de l’avalanche d’amendements d’obstruction, déposés par les députés au service du lobby tauromachique en vue de rendre impossible un débat normal avant l’heure seuil de minuit. En effet, après les interventions des représentants des différents groupes politiques, il aurait fallu discuter près de 480 amendements (ceci en ne comptant pas les amendements classés irrecevables ou retirés sur les 766 amendements et sous-amendements initiaux).
Aymeric Caron a donc fait le choix de libérer la niche parlementaire LFI de ces chicanes inutiles qui de toute façon n’auraient abouti qu’à se heurter à l’heure seuil, afin de ne pas faire perdre leur temps aux députés et de permettre au groupe LFI de présenter un ou deux autres textes.

Extraits : 

« Au moment où je vous parle, aucun [amendement d’obstruction] n’a été retiré. Il reste plus de 480 amendements à étudier. Avec un rythme de 20 amendements à l’heure, ça représente 24 heures de débat.
  […]
Je dois bien me rendre à l’évidence, nous ne pourrons pas abolir la corrida en France aujourd’hui.
  […]
Ce qui se passe aujourd’hui n’est pas une fin, ce n’est qu’un début. Avec mes collègues de la France Insoumise, je vais déposer une nouvelle proposition de loi, transpartisane, qui sera inscrite à nos débats dans le cadre d’une semaine de l’Assemblée.
  […]
Madame la Présidente, vous l’avez compris, pour aujourd’hui malheureusement je suis contraint de retirer ce texte. »

Ce qui vient de se dérouler amène à deux sortes de conclusions :

– D’abord, le lobby tauromachique se sent tellement au bord du précipice qu’il a dû avoir recours, via ses quelques élus affidés, à des procédures d’obstruction afin d’éviter un débat et un vote qui aurait pu lui être fatal.

– Ensuite, ceci pose un réel problème quant au processus démocratique français.
D’autant plus que la plupart des amendements d’obstruction étaient présentés par une poignée de députés clientélistes, seuls ou parfois accompagnés d’un ou quelques collègues, au premier rang desquels (sur les 766 amendements initialement déposés) :
– Yoann Gillet (RN) : 157 amendements,
– David Habib (Non Inscrit) et David Taupiac (groupe LIOT), binôme de socialistes « dissidents » : 115 amendements,
– Nicolas Meizonnet (RN) : 71 amendements,
– Emmanuelle Ménard (Non Inscrite, proche du RN) : 66 amendements,
– Rémy Rebeyrotte (Renaissance) : 38 amendements,
– Florence Lasserre et/ou Fabien Lainé (Modem et Indépendants) : 79 amendements,
– Patrick Vignal et/ou Jean-René Cazeneuve et/ou Marie Lebec (Renaissance) : 58 amendements,
– Emmanuel Taché de la Pagerie et/ou Christine Loir (RN) : 48 amendements.

Soit, pour cette poignée de députés, 632 amendements sur 766 (342 venant du RN ou proche, 96 de Renaissance, 79 du Modem, et 115 d’une paire d’ex-socialistes).

Il semble donc nécessaire, à la lumière de cet exemple :
– soit de réviser les limites horaires des « niches » des groupes d’opposition,
– soit, plus simplement, de réviser le concept de « recevabilité » d’un amendement.

(Article du COVAC, reproduit avec son aimable autorisation)

Quelques exemples d’amendements d’obstruction. 

24/11/22 France Bleu Hérault Abolition de la corrida : « Le fascisme commence quand on veut imposer à l’autre son idée », réagit Robert Margé :  

À écouter : audios de Robert Margé et de Sophie Maffre-Baugé  « On ne peut plus accepter une telle barbarie dans les arènes », disent les anti. « Ça va mal se terminer », prédit l’éleveur de taureaux Robert Margé.

Robert Margé, éleveur de taureaux de corrida. 

15/11/2022 BFMTV Faut-il abolir la corrida en France ? BFMTV s’est rendue à Béziers et a interviewé Robert Margé et Sophie Maffre-Baugé

23/11/22 Arte Les jours de la corrida sont-ils comptés ?  Rencontre avec des pro (Olivier Margé) et anti-corrida (Sophie Maffre-Baugé) dans la région de Béziers.

22/11/22 Soirée au Théâtre Lepic (Paris 18ème).
 
À quelques heures du vote, le député Aymeric Caron a organisé une soirée pour expliquer les raisons de la proposition de loi lors d’une réunion publique au Théâtre Lepic dans le 18e arrondissement. 
Avec Christophe Marie (Fondation Brigitte Bardot), Sophie Maffre-Baugé (COLBAC), Jean-Paul Richier, psychiatre (PROTEC), Thierry Bedossa, vétérinaire (COVAC) et Sébastien Arsac (L214 Ethique et Animaux).

21/11/22 Midi Libre VIDÉO. Faut-il abolir la corrida ? Tout comprendre du débat qui va enflammer l’Assemblée nationale ce jeudi.

Un débat autour de la corrida a été organisé le lundi 21 novembre matin – dans les conditions du direct – au siège du Midi Libre ; il a été diffusé sur le site du Midi Libre, en soirée. Il a permis à chacun des six invités de réaffirmer avec conviction des positions, de les préciser et de les expliquer.
Avec Claire Starozinski, présidente de l’Alliance Anti corrida), la député LFI de l’Hérault Nathalie Oziol et Sophie Maffre-Baugé, présidente du COLBAC, face à Benjamin Cuillé, éleveur de taureau de corrida, Marion Mazauric, éditrice au Diable Vauvert, et le député de l’Hérault Renaissance Patrick Vignal.

23/11/2022 Echange avec le député Denis Masseglia.

Alors que certain·e·s député·e·s ont fait obstruction au débat démocratique, Denis Masseglia, député du Maine-et-Loire (Renaissance) a souhaité s’informer sur la corrida afin de voter en conscience et en connaissance de cause. Il a organisé deux visioconférences – retransmises en direct sur sa chaîne Twitch – pour écouter les arguments pro (avec André Viard) et anti corrida (avec Sophie Maffre-Baugé). Au terme des deux échanges, quelques heures avant le début de l’examen de la PPL, Denis Masseglia a pris publiquement position pour l’abolition de la corrida. Nous le remercions chaleureusement pour son écoute et sa démarche démocratique. 

Extrait de sa publication Facebook : « Pour ou contre l’abolition de la corrida ? Deux positions engagées, deux temps d’échanges dédiés. « 

Aujourd’hui, l’Assemblée nationale examine la proposition de loi d’Aymeric Caron. Faut-il abolir la corrida ?

Jusqu’à hier, je ne savais pas comment me positionner. Parce que j’ignorais tout de cette pratique, parce que je ne suis pas issu des territoires où elle se tient.
Pour autant, je ne souhaitais pas « simplement » m’abstenir : je tiens, lorsqu’une décision d’ordre législatif s’impose à moi, à la prendre de façon éclairée.
J’ai donc décidé d’échanger avec celles et ceux qui ont cette connaissance, qu’ils soient pour ou contre.
Lundi, j’ai échangé avec André Viard, président de l’Observatoire national des cultures taurines :
Hier, j’ai échangé avec Sophie Maffre-Baugé, présidente de l’association COLBAC Anti Corrida Béziers :
Chaque fois, des échanges longs, posés, pour entrer dans le sujet en profondeur, pour en examiner tous les enjeux.
Les rendre publics et interactifs me tenait à cœur, afin qu’ils soient les plus riches possibles.
A la suite de cela, j’ai continué de m’informer, de découvrir ce sujet.
C’est cette démarche dans sa globalité qui me permet aujourd’hui d’affirmer une position claire : celle de voter en faveur de cette proposition de loi.
Voter la PPL de M. Caron ne signifie pas que je partage le reste de ses idées politiques et de sa vision de notre société.
Voter cette PPL, c’est simplement affirmer mon souhait de ne plus voir la corrida exister en l’état, sur notre territoire.

Je serai toujours un défenseur de la ruralité et des traditions.

Les protéger est indispensable, mais au prix d’une évolution qui l’est tout autant : la corrida doit se réinventer, pour concilier tradition et bien-être animal.
Denis Masseglia.

Denis Masseglia fustige par ailleurs ses collègues qui ont déposé des amendements d’obstruction sur « un débat aussi important » que la corrida :

MISE AU POINT D’AYERIC CARON

Cela aurait pu être si simple. Un vote. Une réponse brève à une question brève. Oui ou non. En quelques minutes les choses auraient été éclaircies. La démocratie aurait parlé et la corrida aurait pu être sur le chemin de l’abolition. Mais au contraire la démocratie a été bâillonnée à coups d’amendements fantaisistes visant un but unique : empêcher que le vote final ait lieu.
Dans le cadre d’une niche parlementaire, qui est l’espace où était présentée la proposition de loi visant à abolir la corrida, l’hémicycle ferme à minuit. On ne peut prolonger les débats au-delà. En déposant près de 500 amendements farfelus, comme celui demandant que l’on administre une piqûre anti-douleurs au taureau, ou cet autre interdisant les corridas par vent trop fort, quelques député(e)s pro-corrida ont sciemment entravé la possibilité d’une conclusion de l’examen de la proposition dans les temps. Quelques représentant(e)s du peuple ont dévoyé les outils démocratiques pour de tristes intérêts corporatistes, faisant fi de l’avis du peuple dont près de 90% ne veulent plus de corrida en France.
Nous aurions pu laisser les débats se dérouler et se fracasser sur la pendule, à minuit. Nous aurions eu le temps d’entendre les avis des uns et des autres, et nous aurions pu procéder à des votes intermédiaires révélateurs. Cela aurait été intéressant mais frustrant, puisque sans possibilité de validation.
Le choix du groupe auquel j’appartiens a donc été de faire le constat de l’impossibilité matérielle d’une victoire, et de tenter d’en obtenir une sur un autre texte présenté dans la niche. Voilà ce qu’il s’est passé dans l’hémicycle ce jeudi, et qui explique pourquoi nous avons été contraints de retirer notre proposition de loi destinée à abolir la corrida.
Je suis triste de cette journée.
Je suis triste pour celles et ceux, tellement nombreux, qui se sont mobilisés pour soutenir cette proposition de loi.
Je suis triste pour les associations de défense des animaux qui espéraient tant de ce vote.
Je suis triste pour les taureaux qui continueront à être torturés.
Je suis triste pour la démocratie, entravée sans vergogne par des député(e)s malhonnêtes.
Je suis triste pour notre humanité, mise à mal par ce fiasco.
Je suis triste d’avoir déçu des attentes, en n’étant pas capable de mieux.
Mais rien n’est fini pour autant. Ce n’était qu’un début. Désormais les Français(e)s connaissent l’horreur de la corrida et l’anomalie de son statut. Ce ne pourra pas durer encore longtemps. Je serai là pour m’assurer que sa mort, sans torture préalable, arrive rapidement.

Dans la presse

2/12/22 Occitanie-Tribune Débat corrida : le COLBAC dénonce une atteinte grave à la démocratie. 

→ Lire également notre article : La PPL corrida dans les colonnes du Midi Libre. 

à propos

Le COLBAC a pour but final l’abolition de la corrida. Nous nous opposons à la propagande et à la désinformation du milieu taurin, ainsi qu’à la justification de la torture animale comme relevant d’un art ou d’une tradition encore acceptable.

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