Sénat : prêt à sacrifier les enfants pour préserver la corrida et les intérêts du lobby taurin

Publié le 9 novembre 2024

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La commission des lois du Sénat a rejeté, mercredi 6 novembre, la proposition de loi visant l’interdiction des corridas aux mineurs de moins de 16 ans, portée par les Sénateurs Samantha Cazebonne et Arnaud Bazin.  Non pas parce que la violence des corridas n’aurait pas d’effets potentiellement néfastes sur les mineurs (le fond) mais pour des raisons de cohérence législative et d’applicabilité juridique (la forme).

Les principaux points de rejet sont :

  1. Applicabilité juridique : le texte est jugé difficile à appliquer, notamment en raison de la diversité des pratiques (corridas avec ou sans mise à mort, combats de coqs) et des contraintes logistiques dans certains territoires.
  2. Proportionnalité des sanctions : la commission considère que les sanctions proposées sont excessives par rapport à l’infraction d’amener un mineur à un tel spectacle.
  3. Autorité parentale et traditions locales : le rejet s’appuie également sur l’argument que cette interdiction empièterait sur le droit des parents de transmettre des traditions culturelles à leurs enfants.

Ainsi, plutôt que de se concentrer sur l’impact psychologique que les corridas peuvent avoir sur les jeunes spectateurs, le Sénat a choisi d’invoquer des arguments techniques et culturels pour rejeter le texte. Les sénateurs de la commission des lois ont délibérément relégué l’intérêt supérieur de l’enfant au second plan, derrière des considérations d’applicabilité juridique et des soi-disant « atteintes aux traditions locales ». C’est une complaisance évidente envers le lobby taurin qui a réussi à faire passer son intérêt bien avant la protection de l’enfance. La commission aurait pu amender le texte pour résoudre certains points d’obstacle, mais elle n’a rien fait de tel. Elle n’a introduit que deux amendements, tous deux visant purement et simplement à supprimer la proposition de loi  (amendements de suppression).

Le message envoyé par le Sénat est clair : les droits des enfants peuvent attendre, sacrifiés sur l’autel de pratiques d’un autre âge. Une véritable capitulation morale face aux pressions du lobby taurin.

Néanmoins, la proposition sera examinée en séance publique le 14 novembre, sauf si les amendements de suppression sont adoptés. Dans ce cas, le débat sera clos très rapidement, privant ainsi les défenseurs de la PPL de la possibilité de faire entendre leurs arguments. 

Mise à jour 12/11/24 : De nouveaux amendements viennent d’être déposés par les défenseurs de la proposition de loi, afin de contourner les blocages soulevés en commission des lois. Ils apportent des clarifications et ajustements pour répondre aux critiques d’inapplicabilité et de sanctions disproportionnées, dans le but de faciliter l’adoption du texte en séance publique. Voir les amendements 

Décryptage des principaux arguments de rejet de la commission des lois

  1. Inadaptation du dispositif législatif : la commission estime que le texte mélange des situations distinctes, comme la corrida et le combat de coqs, ce qui rend l’application difficile. Le texte impose des contraintes sans distinction, y compris pour les courses sans mise à mort (landaises et camarguaises), rendant le dispositif inadapté.
    Cet argument est profondément malhonnête puisqu’il est parfaitement établi que la loi vise uniquement les corridas avec mise à mort. La confusion est délibérée pour compliquer le débat et détourner l’attention de l’objectif central : protéger les enfants de l’exposition à la violence des corridas.
  2. Disproportion des sanctions : la proposition de loi prévoit des peines de cinq ans d’emprisonnement et une amende de 75 000 euros pour la présence d’un mineur lors de spectacles tauromachiques, ce qui a été considéré comme excessif, inapproprié.  
    En réalité, cette disposition est une conséquence de la loi existante sur les sévices graves envers les animaux en présence de mineurs. Cet argument est donc manipulateur, car il sous-entend que la PPL impose ces sanctions de manière volontaire et exagérée, alors qu’il s’agit d’une conséquence indirecte des lois déjà en place.

  3. Atteinte à l’autorité parentale : selon la commission, la responsabilité de déterminer si un enfant peut assister aux corridas doit revenir aux parents, notamment dans le cadre de la transmission de traditions culturelles​.
    La commission omet le fait que l’autorité parentale n’est pas absolue lorsque la santé, la sécurité ou le bien-être de l’enfant sont en jeu. Par exemple, les parents n’ont pas le droit d’exposer leurs enfants à des contenus pornographiques, à des jeux d’argent, etc.

  4. Incohérence liée au seuil d’âge : Le choix de fixer l’interdiction à moins de 16 ans est contesté. Pour certains, il est trop bas, et pour d’autres, trop élevé. Le rapport soulève que d’autres pays ont adopté différents seuils d’âge et que le seuil retenu pourrait ne pas convenir aux besoins de protection des mineurs.

    La commission s’est contentée d’insister sur cette « incertitude », sans proposer un âge plus « adapté », ce qui est un moyen de rejeter le projet sans véritablement argumenter sur le fond.

  5. Problèmes d’application pour les combats de coqs : Dans les collectivités d’outre-mer, les combats de coqs sont souvent associés aux paris d’adultes, avec peu de présence de mineurs. La mise en place d’une interdiction nécessiterait un contrôle difficile à appliquer et risquerait de renforcer les tensions locales​.
    Cet argument place les contraintes de mise en œuvre au-dessus de la protection de l’enfance, comme si la protection des mineurs était secondaire.

  6. Inclusion problématique des écoles de tauromachie : le rapport souligne que le texte ne prend pas en compte les écoles de tauromachie où les mineurs, dès 6 ou 8 ans, peuvent être formés à la tauromachie. Cela crée une incohérence en permettant leur apprentissage tout en interdisant leur accès en tant que spectateurs​.
    Argument malhonnête qui utilise une prétendue incohérence pour discréditer la proposition de loi. En réalité, l’interdiction vise à éviter que des enfants soient spectateurs (et a fortiori acteur) de violences et de mises à mort d’animaux. Donc la loi proposée permettrait encore aux parents d’inscrire leurs enfants dès l’âge de six ou huit ans dans les écoles taurines, mais à condition qu’il n’y ait pas d’entraînement sanglant avant l’âge de 16 ans. 
    Mise à jour 12/11/24 : 
    Un amendement, déposé par Mme Raymonde Poncet Monge et plusieurs de ses collègues, vise explicitement à interdire aux mineurs de moins de 16 ans de participer aux formations ou activités proposées par les écoles taurines. Cet amendement complète la proposition de loi initiale en étendant l’interdiction non seulement aux enfants spectateurs de corridas, mais également à l’apprentissage de la tauromachie pour les mineurs.
  1. Impact sur les traditions locales : la commission met en avant l’importance des traditions locales, comme la tauromachie et les combats de coqs, et considère que cette interdiction imposerait une intervention législative sur des coutumes locales, ce qui nécessite une concertation avec les acteurs locaux.
    La commission affirme donc que ces traditions doivent être protégées sans considération pour les effets traumatisants que leur exposition pourrait avoir sur les mineurs. L’idée que les traditions locales doivent être protégées à tout prix omet la dynamique évolutive de la société, qui a conduit à l’abandon de nombreuses pratiques violentes autrefois considérées comme culturelles. C’est précisément le rôle du législateur que de faire évoluer les normes éthiques de la société. Prétendre que toute tradition est « intangible » est évidemment un prétexte pour éviter une interdiction qui ne dérange que les groupes de pression taurins influents.

à propos

Le COLBAC a pour but final l’abolition de la corrida. Nous nous opposons à la propagande et à la désinformation du milieu taurin, ainsi qu’à la justification de la torture animale comme relevant d’un art ou d’une tradition encore acceptable.

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