Les taureaux
Les sévices, l'agonie et la mort
La souffrance commence avec les picadors, cavaliers armés d’une longue lance, la pique. Sous le poids de l’homme, la pointe creuse dans l’échine de l’animal des trous dont la profondeur peut aller jusqu’à 30 centimètres. Et cela, tout contre la colonne vertébrale, organe extrêmement sensible.
Les blessures suivantes sont documentées :
- Section des muscles, tendons, ligaments, veines, artères et nerfs;
- Perforation des vertèbres;
- Fractures des côtes et des cartilages;
- Perforation de la plèvre et des poumons;
- Fractures d’apophyses spinales;
- Lésions de la moelle épinière.
Le taureau est saigné : il perd un volume sanguin important ( de 8 à 18%).
Le taureau est gravement blessé et affaibli par l’hémorragie. Il risque de ne plus se battre : pour raviver sa fougue, vient alors le supplice des banderilles.
Les banderilles sont des harpons à manche de bois. Les harpons mesurent 4 centimètres.
Pourquoi des harpons ? Pour que l’arme une fois enfoncée dans la chair ne puisse pas s’en détacher et tomber à terre. A chaque mouvement de l’animal, chaque manche se balance et remue chaque fer, dans chaque plaie. Il est facile d’imaginer la torture que cela représente et elle est permanente.
Le but est que l’animal, affaibli par les blessures et par l’hémorragie, mais rendu furieux par cette torture des banderilles, « combatte » jusqu’à l’extrême limite de ses forces.
Quand l’animal est totalement épuisé, il est alors » prêt » pour la mise à mort : à l’épée d’abord, au poignard ensuite.
Le matador plonge son épée dans le dos de l’animal déjà martyrisé par les piques et les banderilles. Etant donné que l’homme n’est pas plus grand que l’animal, il ne peut pas plonger son épée verticalement, il ne peut la plonger que sous un angle d’environ 45 degrés et donc la lame n’atteint jamais le cœur. Ainsi la mort n’est jamais foudroyante.
- Dans le meilleur des cas, le matador atteint de gros vaisseaux sanguins, tout près du cœur, et déclenche donc une hémorragie interne qui entraîne la mort en quelques minutes.
- Mais le plus souvent la mise à mort est ratée : l’arme ne pénètre qu’à moitié ou ne pénètre pas au bon endroit, sur les flancs par exemple. Il faut arracher l’épée de la blessure et recommencer l’estocade. Cela peut se faire 2 fois, 3 fois, 4 fois quelquefois davantage.
- Parfois l’épée transperce un poumon et dans ce cas l’animal vomit son sang et meurt noyé, les poumons emplis de sang.
- Si malgré plusieurs coups d’épée, le taureau lutte encore, le matador plante une épée spéciale (appelée « verdugo », ce geste est le « descabello ») entre les deux premières cervicales, ce qui fait tomber l’animal en le paralysant.
Lorsque l’animal s’écroule sur le sol, à bout de force, il est achevé au poignard (puntilla) dans la nuque. Dans le meilleur des cas, un seul coup de poignard bien placé tranche la moelle épinière entre deux vertèbres. La plupart du temps, plusieurs coups de poignard sont nécessaires.
Le taureau paralysé, va être conscient encore quelques minutes. Plusieurs minutes passent avant qu’un taureau poignardé ne meure.
La puntilla provoque une souffrance extrême. Son usage a été interdit dans les abattoirs de l’UE, considéré comme une méthode cruelle de mise à mort d’un animal.
Les chutes
Elles sont très fréquentes pendant une corrida. Beaucoup de taureaux, loin de pouvoir soutenir un « combat « , tiennent tout juste sur leurs pattes. Les aficionados sont les premiers à déplorer la faiblesse de ces prétendus « taureaux de combat » qui s’effondrent lamentablement :
« Les chutes des toros pendant la lidia ont des causes multiples : faiblesse de l’animal, consanguinité, alimentation insuffisante, poids abusivement acquis par forçage alimentaire quand ce n’est pas par maladie, pique outrancière qui a saigné le toro, mauvais état de la piste, travail de muleta trop bas qui asphyxie littéralement un animal noble ». (« La Tauromachie – Histoire et dictionnaire » R.Bérard, p.149)
Le stress et la peur
Le taureau de corrida n’est pas un fauve mais un paisible herbivore domestique. Dans une arène, il éprouve la peur et le stress lié au lieu inconnu, au bruit, à la situation qu’il perçoit comme une menace et un danger.
Ses réactions de charges sont des réactions de défense avivées par la douleur.
Le stress de l’animal commence d’ailleurs bien avant son entrée dans l’arène : quittant pour la première fois son territoire et son troupeau, le taureau vit un stress intense durant le transport très long qui l’amène aux arènes. Débarqué dans les corrals, il découvre un territoire limité, inconnu et angoissant, qu’il doit partager avec ses congénères.
L'afeitado
Cette pratique consiste à scier l’extrémité des cornes dont on refait éventuellement les pointes quand on veut cacher l’escroquerie. Plus les cornes sont courtes, moins elles sont dangereuses.
L’afeitado met plus ou moins à nu l’intérieur de la corne qui est charnu et innervé, donc sensible comme la pulpe d’une dent qu’on scierait à vif. Pour afeiter un taureau, il faut l’immobiliser.
Pendant l’opération qui dure une demi-heure, la victime se débat de toutes ses forces.
Marquage à feu
Le marquage à feu reste systématique en Espagne et en France pour les bovins de corrida. Quatre marques au fer rouge sont imprimées, le même jour, sur chaque veau. On ne brûle pas seulement le poil car le poil brûlé repousse. Pour que la marque subsiste jusqu’à la mort et soit bien visible même de loin, il est indispensable de brûler la peau en profondeur jusqu’à la racine des poils.
Si les chevaux ne subissent qu’une seule brûlure, les bovins de corrida en subissent 4 successivement : la marque de l’éleveur sur une cuisse, la marque du syndicat auquel adhère l’éleveur sur la croupe, la date de naissance sur une épaule et le numéro de « camada » sur un flanc.
Découpe des oreilles : l'escoussure
Comme si toutes ces marques ne suffisaient pas, chaque ganadero tient en plus à mutiler l’oreille de ses bovins au couteau ou avec des ciseaux afin de lui donner une forme particulière, propre à chaque éleveur. Cette mutilation est appelée « escoussure ».
Toutes ces opérations sont effectuées avec la plus grande brutalité, sans la moindre anesthésie.
Il s’agit de sévices inutiles, de cruautés gratuites perpétrées contre des animaux domestiques et perpétrées publiquement car ferrade et escoussure sont considérées comme des spectacles que les voisins et parfois des touristes viennent voir.
Les chevaux
Chevaux de picadors
Jusqu’à l’introduction du caparaçon en 1926, lourde protection matelassée qui enveloppe le corps du cheval pour le protéger des coups de corne, le nombre de chevaux éventrés et tués en corrida était considérable.
Aujourd’hui, les accidents sont rares mais les chevaux sont fréquemment soulevés, renversés par la charge du taureau, et ils ne sont pas à l’abri de blessures. La protection n’est pas infaillible.
Le cheval de picadors subit un long dressage pour le travail auquel il est destiné :
- il doit répondre instantanément, parfaitement et sans rechigner aux sollicitations du cavalier,
- il doit perdre toute réaction émotionnelle : tentatives de fuite, sursauts, ruades, écarts
- il doit apprendre à résister à la poussée violente et latérale du taureau et contraint de subir, à l’entrainement, des charges violentes ( il y est exercé grâce à un « bélier » : appareil spécial monté sur roues, conduit par 4 ou 5 personnes, qui mime l’impact du taureau.
« Un groupe d’hommes solides exerce une forte pression latérale (…) Cette pression est d’abord exécutée par appui sans choc, ensuite par l’intermédiaire d’un appareillage qui donne un violent coup sur le peto (= caparaçon) et continue par une pression forte et constante mais qui peut se rompre brutalement et reprendre aussitôt comme le ferait un toro qui arrêterait la charge et la reprend ». (Extrait, La Tauromachie : histoire et dictionnaire » R. Bérard. )
« Certaines cuadras possèdent un toro domestique à côté duquel les chevaux sont mis au pré afin de s’habituer à l’odeur et à la vue du bétail, qui effraient souvent les chevaux la première fois. Ce toro, peut également servir à l’entrainement proprement dit des chevaux, s’il s’y prête. Monsieur Bonijol habitue ainsi ses jeunes chevaux à appréhender le toro les yeux débandés pour qu’ils sachent à quoi ils sont confrontés. Le cheval doit aller au toro en toute connaissance de cause et se prendre en charge, comme un cheval de rejoneo. En revanche, il n’y a pas ici d’esquive, le cheval doit absorber le choc souvent brutal, ce qui suppose une grande maîtrise. » (Le cheval du picador dans la tauromachie d’hier et d’aujourd’hui – Thèse – Margaux Justice-Espenan)
Malgré cet entrainement, la nervosité des chevaux est très importante dans l’arène.
- Les yeux des chevaux sont bandés avec une cagoule ou un bandeau pour éviter qu’ils ne s’écartent brusquement en voyant le taureau foncer sur eux.
- Les oreilles des chevaux sont bouchées afin de les isoler des bruits qui les apeurent.
- Des sédatifs leur sont parfois administrés avant la corrida.
Chevaux utilisés dans les corridas équestres
Les chevaux utilisés dans la corrida portugaise ou dans la corrida de rejón ne bénéficient d’aucune protection. Les blessures et charges mortelles sont donc bien plus fréquentes dans ces formes de corrida. Servant de boucliers aux cavaliers, ce sont les chevaux qui prennent les coups de corne. Ces accidents ne sont pas rares au cours du spectacle et surtout au cours du dressage qui dure des années.
Pour conclure
En plus d’être exposés aux blessures et à un stress maximal, les chevaux de tauromachie sont soumis à un dressage particulier où on leur apprend à refouler leurs instincts, leurs réflexes et à perdre la peur qui les habite constamment en présence du taureau. Ces chevaux sont entraînés à la corrida sans relâche jusqu’à obtenir un comportement docile et exemplaire, pour assurer le spectacle et ne faire prendre aucun risque à leur cavalier