A en croire les chroniqueurs taurins, la corrida serait devenue l’un des beaux arts, voire un art majeur.
Notons que cette prétention est toute récente : elle ne remonte qu’à la première moitié du 20ème siècle, époque où certains matadors s’illustrent par une nouvelle manière de toréer :
au lieu d’esquiver l’animal par de brusques écarts, ils cherchent à dévier sa charge par de lents mouvements de cape et à faire tourner la bête autour d’eux pour enchaîner la passe suivante. Ils dessinent ainsi sur le sable des courbes et l’étoffe du leurre tournoie parfois comme la robe d’une danseuse.
A cela se résume la » beauté » d’une corrida. C’est un peu court pour prétendre à l’esthétisme.
Est-on un artiste parce qu’on endosse un costume de carnaval, qu’on cambre vaniteusement la taille, qu’on prend des poses de matamore et qu’on agite à bout de bras des chiffons ensanglantés ?
Vriller une pique dans la chair qui gicle et se révulse, clouer des harpons, enfoncer des épées et des poignards sont des gestes étrangers à tout esthétisme.
Belles, les blessures béantes et les hémorragies ?
Beaux, les vêtements souillés de sang comme des tabliers de boucher ?
Un bourreau devient-il artiste parce qu’il torture et massacre au son d’une fanfare ?
La corrida ne se dit belle que pour occulter qu’elle est cruelle. Du même coup, elle offre un alibi aux tauromaniaques : psychopathes, eux ? Calomnie ! Ce qui les pousserait aux arènes, ce serait uniquement l’amour de la beauté. Hypocrites…