Après un long débat et malgré les pires tentatives d’obstruction des députés pro corrida, l’abolition de la corrida vient d’être votée en Colombie ce mardi 28 mai 2024 par 93 voix pour et 2 voix contre.
Cette nouvelle loi sera applicable à partir de 2027 après une période de transition qui permettra la reconversion des personnes vivant de la tauromachie et des arènes.
La Colombie qui avait la plus longue tradition de cette pratique cruelle en Amérique latine rejoint ainsi le Brésil, le Chili, le Guatemala, l’Uruguay et l’Argentine.
Le Président Gustavo Pétro a adressé ses félicitations à ceux qui ont obtenu que « la mort ne soit pas un spectacle ».
Espérons que le courage des politiques colombiens soit un exemple pour les politiques français qui en manquent tant !
Le combat continue en France jusqu’à ce que, nous aussi, nous obtenions l’abolition réclamée par 75% des Français et ajoutions la France à la liste des pays qui ont refusé la torture sanglante des arènes de corrida.
ILS L’ONT FAIT, ON LE FERA !
La situation de la corrida en Amérique Latine
Traduction d’un article d’ El Pais (29 mai 2024)
Entre contentieux juridiques, conflits politiques et plébiscite, la corrida survit en Amérique Latine.
Au Mexique, au Pérou, au Vénézuela et en Équateur, les spectacles de corrida sont soit autorisés, soit dans les limbes d’un flou légal.
Avec le vote de l’interdiction de la corrida, approuvée par la Chambre des Représentants mardi 28 mai 2024, la Colombie a rejoint les pays de la région tels que l’Argentine, le Brésil, le Chili, Cuba, l’Uruguay ou le Guatemala, où la corrida appartient déjà au passé. La corrida continue cependant de faire l’objet de débats, de contentieux et de conflits politiques dans toute l’Amérique latine. Du Mexique au Pérou, en passant par le Vénézuela et par l’Équateur, l’enracinement de la pratique taurine est tel qu’il a jusqu’à présent fait obstacle à la disparition de cette dernière, en dépit d’interdictions partielles ou locales. Dans ces pays, la corrida est autorisée, éventuellement avec des nuances, quand elle ne perdure pas dans les limbes du vide juridique.
Mexique : une bataille menée devant les tribunaux
Au Mexique, la bataille autour de la corrida s’est déroulée point par point devant les tribunaux jusqu’à atteindre la Cour suprême. Son interdiction ou sa protection dépendent de la législation de chacun des 32 États qui composent la République mexicaine. Par exemple, alors qu’elle est interdite dans les Etats de Sonora, Guerrero et Coahuila, ceux de Tlaxcala, Aguascalientes, Hidalgo, Querétaro, Zacatecas, Michoacán et Guanajuato l’ont déclarée patrimoine culturel et immatériel. Le débat se poursuit dans les autres États et s’il est un endroit qui a particulièrement focalisé les regards, c’est la capitale, Mexico.
La ville de Mexico a été au centre de plus grand conflit opposant groupes prohibitionnistes et partisans de la corrida, avec des affrontements entre policiers, manifestants et défenseurs de la tauromachie. La capitale abrite les plus grandes arènes du monde, la Plaza Monumental de México, qui peut accueillir 41 000 spectateurs assis et plus de 50 000 personnes au total. Par le biais du recours à l’ « amparo » – une procédure juridique qui permet aux citoyens de se défendre contre les décisions des juges, ou contre les actions ou omissions du gouvernement – partisans et détracteurs ont fait appel au pouvoir judiciaire pour trouver des solutions qui, dans les faits, ne sont que des pis-aller.
L’épisode le plus récent de cette bataille juridique a été la suspension provisoire qu’une juge a accordée pour interdire toute corrida dans la capitale. L’« amparo » avait été présenté par l’association citoyenne Va por sus Derechos, qui vise à protéger la vie des taureaux, des chevaux et des taurillons. Il s’agissait de la quatrième suspension provisoire prononcée ces dernières années par un juge de district contre l’organisation de corridas dans la capitale. Les associations taurines s’étaient alors élevées contre cette mesure et avaient fait appel à la décision prise par la Cour suprême de justice en décembre 2023, date à laquelle les magistrats avaient approuvé le retour de la corrida dans la Plaza México. La Cour s’est saisie de l’affaire et a rejeté un autre « amparo », accordé par un juge qui avait invoqué les lois contre la maltraitance animale pour suspendre les corridas.
En l’absence d’une législation ferme sur la question et d’un débat au sein des Congrès locaux au niveau des États, partisans et détracteurs ont opté pour une guerre totale devant les tribunaux. La guerre des « amparos » semble sans fin.
Plébiscite en Équateur
L’Équateur est en désaccord sur les corridas de taureaux depuis plus d’une décennie. La division s’est produite en 2011, lorsque les Equatoriens ont été invités à faire savoir par référendum s’ils étaient ou non d’accord pour interdire, dans le canton où ils vivaient, les spectacles ayant pour but la mort d’un animal. Dans 55 % des villes, le oui l’a emporté, y compris à Quito, la capitale, où chaque année en décembre se tenait l’une des ferias taurines les plus importantes du pays et d’Amérique : féria de « Jésus del Gran Poder ».
Pour la ville, dont les festivités commémorant sa fondation se déroulaient toujours autour des arènes, cela a été un événement marquant. Suite aux résultats du vote, la municipalité de Quito a publié une ordonnance interdisant totalement les combats de coqs, de chiens et de taureaux,- mais il s’en déroule encore clandestinement. Dans des zones montagneuses au centre du pays, où il existe une forte tradition taurine enracinée avant tout dans les célébrations locales, les gens ont rejeté la nouvelle réglementation. Cependant, le résultat de la consultation a abouti à décourager la tenue de spectacles taurins dans la majeure partie du territoire.
Pérou : le pays le plus taurin d’Amérique ?
La dernière occasion pour le Pérou d’interdire les corridas remonte à 4 ans, en février 2022. Une demande en ce sens avait été signée par 5 286 personnes, mais faute de recueillir les voix nécessaires au Conseil Constitutionnel, plus haut arbitre de la loi fondamentale, la corrida a vu sa validité confirmée par un classement dans la catégorie des spectacles culturels. Nombreux sont ceux qui affirment que la tauromachie est florissante au Pérou, au point de qualifier le pays de nation la plus taurine d’Amérique.
En 2023, on a enregistré 700 fêtes taurines dans 350 arènes, pour cinq millions d’entrées. La lutte pour éradiquer cette pratique a connu un revers en avril dernier, quand une commission du Congrès a archivé un projet de loi interdisant l’entrée des mineurs aux événements taurins. De plus, grâce à l’accord de la « Beneficiencia Publica » et de la Municipalité de la capitale péruvienne, l’espace emblématique de la tauromachie à Lima qu’est la Plaza de Acho accueillera des corridas au moins jusqu’en 2028.
Vénézuela : Pas de corrida à Caracas ni à Maracaibo
En 2021, le procureur Tarek William Saab s’est intéressé à une corrida à Maracay et en a exigé la suspension. Le matador vénézuélien Erick Cortez a dû interrompre sa prestation et même récupérer les affiches. En 2022, toujours sur ordre de Saab, qui pendant son mandat a mené une bataille pour la protection des animaux, les toreros qui allaient participer à un événement à Carora, dans la plaine vénézuélienne, ainsi que ceux de la célèbre Feria de Saint-Sébastien dans l’État frontalier de Táchira, ont quitté les lieux. L’activité taurine n’a cependant pas pris fin au Venezuela: elle ne bénéficie plus de la ferveur des années passées et a complètement disparu des grandes villes comme Caracas et Maracaibo, mais, à quelques réserves près, les fêtes taurines restent une tradition dans certaines localités du pays.
Une décision de justice de 2015 a interdit l’entrée des enfants et des adolescents aux corridas, mais il n’existe pas de réglementation stricte ni d’interdiction générale des corridas dans le pays. Le ministère public a pris des mesures judiciaires sélectives contre certains spectacles, qu’il a qualifiés de « massacres publics d’animaux » ; il a aussi promis de présenter une loi pour protéger la vie des taureaux et limiter le nombre de corridas dans le pays, mais elle n’a pas encore été adoptée par le Parlement.
En février de cette année, le Carnaval Taurin d’Amérique semble être passé sous le radar de Saab : deux jours durant, les toreros et novilleros espagnols David Fandila, Francisco de Manuel, Alejandro Talavante, Daniel Luque, et Marco Pérez ont montré leur talent dans la Plaza de Toros Monumental de Mérida. Les corridas se sont déroulées dans le cadre des Ferias del Sol de cette région andine, avec le soutien du gouvernement de cette collectivité contrôlée par le parti officiel PSUV, et du Ministère de l’Agriculture et des Terres, qui a facilité les formalités d’importation des taureaux pour l’occasion.
Écrit par Almudena Barragán, Renzo Gómez Vega, Florantonia Singer et Carolina Mella.