Les enfants spectateurs
La corrida est un spectacle violent durant lequel un animal est torturé à mort pendant 20 à 30 minutes. Il reçoit d’abord des coups de piques qui provoquent des blessures profondes et des hémorragies importantes, puis des harpons accentuant douleur et écoulement de son sang. La mise à mort est souvent laborieuse et nécessite la plupart du temps plusieurs coups d’épée. Le taureau agonisant, les poumons emplis de sang, est enfin poignardé à la nuque, à plusieurs reprises, parfois des dizaines.
Ce spectacle où le sang est omniprésent peut-il être sans conséquence pour les enfants, comme l’affirme le milieu taurin ?
La violence que les enfants voient est :
- réelle et non fictive,
- infligée intentionnellement à un animal captif et contraint,
- érigée en spectacle, pour divertir.
Les médecins psychiatres et les psychologues du collectif PROTEC Protégeons les enfants des corridas alertent sur les risques chez le jeune spectateur de corrida. Ils décrivent :
- Des effets traumatiques : la première réaction d’un enfant à la vue d’un animal qui saigne sous les coups d’un homme est toujours une réaction de surprise , d’incompréhension et de gêne. Pour certains enfants, cela peut aller jusqu’à des effets traumatiques avec des images qui vont rester imprimées dans la tête très longtemps. Ce risque est corroboré par de nombreux témoignages d’adultes qui ont été marqués à vie par une corrida à laquelle ils ont assisté lorsqu’ils étaient enfants.
- Une accoutumance à la violence : les enfants qui au départ ont une réaction de rejet vont s’habituer à cette violence, voire développer une sorte de fascination puis une addiction.
- Une fragilisation du sens moral : on apprend aux enfants que la violence envers un animal peut être légitime et qu’on a le droit de le faire souffrir.
- Une perturbation des valeurs : on apprend aux enfants que l’esthétisme ou la tradition priment sur la vie d’un animal.
En 2016, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a exhorté la France à tenir les mineurs à l’écart de la tauromachie.
Le Comité des Droits de l’Enfant de l’ONU est constitué d’experts indépendants chargés de vérifier l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant. Il s’inquiète du bien-être physique et mental des enfants exposés à la violence des corridas, et s’appuie sur la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, qui signifie que l’intérêt de l’enfant en tant que personne peut prévaloir sur l’autorité parentale.
En ce qui concerne l’argument souvent invoqué de la tradition, qui pourrait amener certains enfants, initiés par leurs parents, à ne pas percevoir la cruauté de la corrida, comment devrait-on considérer les enfants de touristes qui sont fréquemment emmenés à ces spectacles sans que leurs parents ne soient eux-mêmes informés précisément de ce qu’ils vont voir ? La loi doit les protéger.
En France, non seulement il n’y a aucune limite d’âge pour assister à une corrida, mais dans l’immense majorité des cas, l’entrée est gratuite pour les enfants, alors que ces événements mettent en scène des actes de cruauté et des sévices graves envers les animaux. En offrant des places gratuites aux plus jeunes, les organisateurs de corridas cherchent à initier et à accoutumer la nouvelle génération à cette pratique, dans l’espoir de créer une base de spectateurs potentiels pour l’avenir. Cette gratuité crée la fausse impression que la corrida est un banal divertissement familial, sans informer ni alerter les parents sur la nature violente et controversée du spectacle. Elle est particulièrement problématique pour les touristes qui ignorent tout des corridas.
Les enfants acteurs
Les risques décrits ci-dessus sont évidemment encore plus importants s’agissant de l’entrainement à la pratique de la corrida, notamment dans le cadre des « écoles taurines« , puisque non seulement les jeunes sont exposés à la violence, mais en plus ils sont incités et entrainés à commettre des actes de cruauté sur un animal.
Ces écoles existent en France à Arles, Nîmes, Béziers ou Cauna.
On y apprend à toréer, torturer et tuer des veaux dès l’âge de 13 ans.
Les élèves apprennent d’abord les gestes avec un chariot figurant le taureau et avec une épée qu’ils plongent dans un seau imitant le bulbe rachidien de l’animal. La pratique se fait ensuite avec des bovins loués : sur l’animal jeune et apeuré, l’enfant se fait la main. Qu’il ait peur pour lui ou peur de blesser l’animal, il doit s’endurcir.
Ensuite, les élèves apprennent à mettre à mort des veaux ou des génisses, dans de grandes souffrances pour l’animal puisque ces premiers coups d’épée sont imprécis et maladroits.
- Les jeunes sont ainsi exposés à la violence, au sang, à la maltraitance animale.
- On leur enseigne l’insensibilité à la souffrance de l’autre.
- Ils pratiquent la cruauté comme d’autres enfants pratiquent le foot, le tennis ou la danse…
→ Des études sur les effets de l’exposition à la maltraitance animale chez les mineurs montrent que ceux-ci vont avoir davantage tendance à maltraiter les animaux et à avoir des conduites agressives (harcèlements d’autres enfants).
L'école taurine de Béziers
Alors qu’il est de la responsabilité des mairies de véhiculer des valeurs de compassion et de bienveillance, la municipalité de Béziers a ouvert, en 2003, et a massivement financé, jusqu’en 2020, une école de tauromachie qui compte une quinzaine d’élèves. La municipalité met à sa disposition, gratuitement, les arènes pour les entraînements hebdomadaires.
Jusqu’en 2020, chaque année, l’école a reçu une subvention de 30 000 € : c’est 3/4 du budget de l’école (le COLBAC a dénoncé sans relâche ces subventions ; en 2021, sous la pression de l’opinion publique, la municipalité a mis fin à cette subvention directe).
Sans le soutien de la municipalité, cette école inqualifiable qui enseigne l’art et la manière de tuer un animal, n’existerait pas. Les principaux postes de dépenses sont » la location du bétail pour les entraînements » et les frais de déplacements en France et en Espagne pour accompagner les jeunes « qui sortent en capéas, becerradas et novilladas« .
L’école démarche les clubs taurins et les villages afin qu’ils organisent à leurs frais des manifestations taurines dans lesquelles sont programmés les élèves.
Espérant recruter de nouveaux élèves, en lien avec la Fédération des Clubs Taurins du Biterrois, l’école anime également, pendant les vacances scolaires, des activités dans les arènes de Béziers avec les enfants des Centres de loisirs de Béziers. Ces derniers assistent à l’entraînement des élèves de l’école taurine : tienta ( avec une vache, sans mise à mort ) et toréo de salon (apprentissage des gestes de la tauromachie en l’absence de taureau.)
Racolage dans les centres de loisirs municipaux
La Fédération des clubs taurins du biterrois, également subventionnée par la municipalité (15 000 € /an) a pour objectif de « conquérir de nouveaux aficionados avec des initiations dans les centres de loisirs de la ville « , selon ses propres termes.
Ainsi, depuis 2018, en partenariat avec l’école taurine, elle organise pendant les vacances scolaires, des journées « découverte du monde du toro de combat » avec les enfants des Centres de loisirs de Béziers. Au programme : visite des arènes, visite du musée taurin (avec visionnage d’un film), rencontre des élèves de l’école taurine de Béziers et journée à la ganadéria de Robert Margé.
Les enfants des Centres de loisirs assistent à l’entrainement des élèves de l’école taurine : tienta de vaches (juillet 2019 et juillet 2020) et toreo de salon ( août 2020 ). Ainsi, » 80 enfants (…) sont initiés aux premières notes du b.a.-ba de la tauromachie » peut-on lire sur les sites pro tauromachie (source : ici )