Sénat : L’intérêt supérieur de l’enfant sacrifié

Publié le 19 novembre 2024

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Le 14 novembre, le Sénat a rejeté la proposition de loi visant à interdire la présence des mineurs de moins de 16 ans lors de corridas et de combats de coqs, ainsi que leur participation aux écoles taurines.

Au terme de trois heures de débat, les amendements supprimant les deux articles de la proposition de loi ont été adoptés, vidant ainsi le texte de sa substance et mettant fin à la discussion.

Une large majorité de sénateurs a repris les arguments traditionnels des aficionados, évitant soigneusement de traiter la question centrale de la protection des mineurs. Le texte a été qualifié de « loi hypocrite » visant à abolir la corrida sous couvert de protéger les enfants. Les sénateurs ont dénoncé une attaque contre une culture locale, une ingérence dans l’autorité parentale, ainsi que des sanctions prétendument disproportionnées et des difficultés juridiques dans sa mise en œuvre. Ils ont également souligné l’absence de consensus sur l’âge seuil de 16 ans.

Ce rejet révèle une complaisance manifeste envers le lobby taurin, dont les intérêts ont été privilégiés au détriment de ceux des enfants.

Pour préserver la corrida, les sénateurs ont choisi de sacrifier l’intérêt supérieur des enfants. En refusant d’instaurer une limite d’âge, ils admettent implicitement que l’éducation à la tauromachie doit commencer dès le plus jeune âge, faute de quoi la passion ne prend pas. C’est précisément ce que nous dénonçons : l’endoctrinement des enfants.

Ce rejet marque également un refus de se conformer aux recommandations des Nations Unies. Dans le cadre de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE), ratifiée par la France en 1990, l’ONU demande explicitement de protéger les enfants contre toute exposition à la violence, y compris celle des corridas. Cette proposition de loi représentait une occasion concrète de respecter cet engagement.

Ce résultat, bien que prévisible dans une chambre très conservatrice, permet toutefois de mieux cerner les forces politiques en jeu. Avec la proposition de loi portée par Aymeric Caron en 2022, cela fait deux textes sur la corrida examinés au Parlement en seulement deux ans : malgré les résistances, la question de la corrida s’impose peu à peu dans le débat public et politique.

1. RÉSULTATS DES SCRUTINS

La PPL comportait deux articles :  

  • Article 1er modifiant l’article 521-1 du Code pénal qui réprime les sévices graves et les actes de cruauté envers un animal : « Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. » Il prévoit un certain nombre de circonstances aggravantes, en particulier si ces actes sont commis en présence d’un mineur.
  • Article 2 modifiant l’article 522-1 du Code pénal qui sanctionne « le fait, sans nécessité, publiquement ou non, de donner volontairement la mort à un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité ».

Après les travaux en commission et avant l’examen en séance publique, les sénateurs ont déposé des amendements. 

Liste des amendements déposés sur le texte de la PPL 

1.1 Synthèse des résultats des scrutins

Scrutin Amendement Objet Résultat Détails
n°37 Amendement n°1 rectifié sexies (Jean-Pierre Grand et collègues) Suppression de l'article 1er qui modifiait l'article 521-1 du Code pénal Adopté 322 votants
309 exprimés
254 pour
55 contre
13 abstentions
25 n'ont pas pris part au vote
n°38 Amendement n°3 rectifié (Raymonde Poncet Monge et groupe Écologiste) Ajout d’un article interdisant les écoles taurines pour les mineurs de moins de 16 ans Rejeté 318 votants
306 exprimés
47 pour
259 contre
12 abstentions
29 n'ont pas pris part au vote
n°39 Amendements n°2 rectifié quinquies (Jean-Pierre Grand et collègues) et n°7 (Arnaud Bazin et Samantha Cazebonne) Suppression de l'article 2 qui modifiait l'article 522-1 du Code pénal Adopté 319 votants
301 exprimés
237 pour
64 contre
18 abstentions
28 n'ont pas pris part au vote

Tableau 1 – Synthèse des scrutins 

Les scrutins n°37 et n°39 ont donc conduit à la suppression des articles 1er et 2 de la PPL, tandis que le scrutin n°38 a rejeté l’ajout d’un article additionnel concernant l’interdiction des écoles taurines pour les mineurs.

Liste des amendements adoptés
Scrutins

Remarque : L’amendement n°7, présenté par M. Arnaud Bazin, était un amendement de cohérence lié à l’amendement n°6, qui proposait de réécrire l’article 1er sur l’interdiction de la présence des mineurs lors des corridas. Si l’amendement n°6 avait été adopté, l’article 2, tel qu’il était rédigé, serait devenu incohérent. L’amendement n°7 proposait donc de le supprimer pour maintenir la cohérence du texte. Cependant, la suppression totale de l’article 1er par un autre amendement a rendu l’amendement n°7 inutile. M. Bazin a précisé que sa démarche visait uniquement à assurer une cohérence législative et non à soutenir la suppression de l’article 2 en soi.

1.2 Détails des scrutins par groupes politiques

Les Républicains (LR), Les Indépendants – République et Territoires (LIRT), l’Union Centriste (UC) et le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste (CRCE) ont formé le noyau dur de l’opposition à la proposition de loi. Ils ont largement soutenu les amendements de suppression et rejeté l’interdiction des écoles taurines pour les mineurs.

Cependant, quelques exceptions méritent d’être soulignées :

  • LIRT : Joël Guerriau n’a pas voté, marquant une prise de distance avec la ligne majoritaire de son groupe.
  • LR : Nadine Bellurot s’est distinguée en votant contre les amendements de suppression, bien qu’elle ait rejeté l’interdiction des écoles taurines. Gérard Larcher, président du Sénat, n’a pas pris part aux votes sur les 3 scrutins.
  • CRCE : Ian Brossat et Fabien Gay ont courageusement voté en faveur de la PPL et de l’interdiction des écoles taurines, se démarquant totalement de leur groupe, tandis que Pascal Savoldelli n’a pas pris part au vote, ce qui laisse penser à une sensibilité favorable à la PPL.
  • UC : La position de Olivier Cadic, Christine Herzog, Paul-Toussaint Parigi, Évelyne Perrot, Olivia Richard, Nadia Sollogoub, et Sylvie Vermeillet peut être interprétée comme une volonté de maintenir le débat ouvert sur la PPL, sans pour autant soutenir pleinement son objectif de protection des mineurs. Leur vote contre les amendements de suppression indique une opposition à l’idée de bloquer la discussion parlementaire dès le départ, mais leur rejet de l’interdiction des écoles taurines montre qu’ils ne soutiennent pas les mesures concrètes proposées dans le texte. À noter l’abstention critiquable de Brigitte Devésa (voir détails par départements taurins)

Les groupes Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) et Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants (RDPI) se sont montrés divisés, avec des votes partagés entre pour, contre et abstentions, reflétant des divergences internes. Au sein du groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE), Sophie Briante Guillemont s’est distinguée par son soutien affirmé à la PPL, tout comme Véronique Guillotin.

Enfin, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires (EST) est le seul à avoir unanimement soutenu l’interdiction des écoles taurines tout en s’opposant aux amendements de suppression, réaffirmant ainsi son engagement en faveur des droits des enfants.

Groupe politique Amendement de suppression de l'article 1 Amendement interdisant les écoles taurines aux moins de 16 ans Amendement de suppression de l'article 2
Les Républicains (LR)
Président : Bruno Retailleau
Pour : 127
Contre : 2
Abstention : 0
NPPV : 1
Pour : 0
Contre : 128
Abstention : 1
NPPV : 1
Pour : 110
Contre : 10
Abstention : 6
NPPV : 4
Socialiste, Écologiste et Républicain (SER)
Président : Patrick Kanner
Pour : 22
Contre : 20
Abstention : 0
NPPV : 22
Pour : 20
Contre : 22
Abstention : 0
NPPV : 22
Pour : 22
Contre : 20
Abstention : 0
NPPV : 22
Union Centriste (UC)
Président : Hervé Marseille
Pour : 52
Contre : 6
Abstention : 2
NPPV : 0
Pour : 0
Contre : 60
Abstention : 0
NPPV : 0
Pour : 52
Contre : 7
Abstention : 1
NPPV : 0
Rassemblement des Démocrates Progressistes et Indépendants (RDPI)
Président : François Patriat
Pour : 7
Contre : 6
Abstention : 7
NPPV : 0
Pour : 6
Contre : 6
Abstention : 7
NPPV : 1
Pour : 7
Contre : 6
Abstention : 7
NPPV : 0
Les Indépendants - République et Territoires (LIRT)
Président : Claude Malhuret
Pour : 18
Contre : 0
Abstention : 0
NPPV : 1
Pour : 0
Contre : 18
Abstention : 0
NPPV : 1
Pour : 18
Contre : 0
Abstention : 0
NPPV : 1
Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE)
Présidente : Cécile Cukierman
Pour : 15
Contre : 2
Abstention : 0
NPPV : 1
Pour : 2
Contre : 15
Abstention : 0
NPPV : 1
Pour : 15
Contre : 2
Abstention : 0
NPPV : 1
Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE)
Présidente : Maryse Carrère
Pour : 10
Contre : 2
Abstention : 4
NPPV : 0
Pour : 2
Contre : 10
Abstention : 4
NPPV : 0
Pour : 10
Contre : 2
Abstention : 4
NPPV : 0
Écologiste - Solidarité et Territoires (EST)
Président : Guillaume Gontard
Pour : 0
Contre : 16
Abstention : 0
NPPV : 0
Pour : 16
Contre : 0
Abstention : 0
NPPV : 0
Pour : 0
Contre : 16
Abstention : 0
NPPV : 0
Sénateurs n'appartenant à aucun groupe (RASNAG)
Représentant : Christopher Szczurek
Pour : 3
Contre : 1
Abstention : 0
NPPV : 0
Pour : 1
Contre : 0
Abstention : 0
NPPV : 3
Pour : 3
Contre : 1
Abstention : 0
NPPV : 0

Tableau 2 – Détails des scrutins dans chaque groupe politique 
Légende : NPPV = « N’a pas pris part au vote » 

1.3 Détails des scrutins dans les départements taurins

La très grande majorité des sénateurs des départements taurins ont rejeté la PPL. Les plus virulents, comme Laurent Burgoa (LR, Gard), véritable sentinelle pro-corrida au Sénat, Henri Cabanel (RDSE, Hérault), Jean-Pierre Grand (LIRT, Hérault), Max Brisson (LR, Pyrénées-Atlantiques), Éric Kerrouche et Monique Lubin (SER, Landes), ont soutenu ou déposé des amendements de suppression.

Hussein Bourgi (SER, Hérault), signataire du manifeste de la FLAC, n’a pas pris part au vote, faisant preuve d’un manque flagrant de courage politique, tout comme Laurence Harribey (SER, Gironde), laissant supposer une opposition personnelle à la corrida et une conscience de l’importance de protéger les enfants, mais qui semble avoir cédé aux pressions. Brigitte Devésa (UC, Bouches-du-Rhône), que nous savons opposée aux corridas, s’est abstenue sur les amendements et a rejeté l’interdiction des écoles taurines, illustrant l’influence des lobbys.

Seuls Guy Benarroche et Monique de Marco (EST) ont voté pour la protection des enfants, en conformité avec la ligne de leur parti politique. 

Stéphane Ravier, sénateur de Marseille et membre du RN, a adopté une position ambiguë : pour la suppression des articles, mais ne votant pas sur les écoles taurines, laissant supposer une possible adhésion à leur interdiction.

Département Sénateur (Parti) Amendements de suppression (scrutins 37 et 39) Interdiction des écoles taurines pour les moins de 16 ans (scrutin 38)
Bouches-du-Rhône Jérémy Bacchi (CRCE) POUR CONTRE
Guy Benarroche (GEST) CONTRE POUR
Valérie Boyer (LR) POUR CONTRE
Marie-Arlette Carlotti (SER) POUR CONTRE
Brigitte Devésa (UC) ABST CONTRE
Mireille Jouve (RDSE) POUR CONTRE
Stéphane Le Rudulier (LR) POUR CONTRE
Stéphane Ravier (RASNAG) POUR NPPV
Gard Denis Bouad (SER) POUR CONTRE
Laurent Burgoa (LR) POUR CONTRE
Vivette Lopez (LR) POUR CONTRE
Hérault Christian Bilhac (RDSE) POUR CONTRE
Hussein Bourgi (SER) NPPV NPPV
Henri Cabanel (RDSE) POUR CONTRE
Jean-Pierre Grand (LIRT) POUR CONTRE
Gironde Alain Cazabonne (UC) POUR CONTRE
Mireille Conte Jaubert (RDSE) ABST ABST
Hervé Gillé (SER) POUR CONTRE
Laurence Harribey (SER) NPPV NPPV
Florence Lassarade (LR) POUR CONTRE
Monique de Marco (EST) CONTRE POUR
Aude Gisèle Jourda (SER) POUR CONTRE
Sébastien Pla (SER) POUR CONTRE
Pyrénées-Orientales Jean Sol (LR) POUR CONTRE
François Calvet (LR) POUR CONTRE
Hautes-Pyrénées Maryse Carrère (RDSE) POUR CONTRE
Viviane Artigalas (SER) POUR CONTRE
Pyrénées-Atlantiques Max Brisson (LR) POUR CONTRE
Frédérique Espagnac (SER) POUR CONTRE
Denise Saint-Pé (UC) POUR CONTRE
Gers Franck Montaugé (SER) POUR CONTRE
Alain Duffourg (UC) POUR CONTRE
Landes Éric Kerrouche (SER) POUR CONTRE
Monique Lubin (SER) POUR CONTRE

Tableau 3Détails des scrutins dans les départements taurins
Légende : NPPV = « N’a pas pris part au vote » ; ABST = abstention

2. Les sénateurs qui ont défendu la PPL

Samantha Cazebonne a défendu avec détermination et conviction son texte. Elle a rappelé que les pratiques liées à la corrida, bien qu’exemptées sous prétexte de tradition locale, sont reconnues comme des actes de cruauté par le Code pénal. Elle a dénoncé l’incohérence entre l’interdiction de ces scènes à la télévision et leur autorisation en direct pour les enfants, soulignant l’impact traumatisant de tels spectacles.

S’appuyant sur des recommandations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU et un large soutien populaire (80 % des Français, y compris dans les territoires taurins), elle a appelé les sénateurs à dépasser les clivages politiques et à rejeter les objections procédurales. Exhortant ses collègues à débattre de cette question de société essentielle, elle a déclaré : 

« Protéger nos enfants contre la violence n’est pas uniquement une question de législation, c’est un impératif moral »

Arnaud Bazin, co-auteur du texte, a défendu avec rigueur l’interdiction des corridas aux mineurs, rappelant lui aussi que ces spectacles sont reconnus comme des actes de cruauté. Il a souligné la nocivité psychologique documentée de l’exposition des enfants à de telles violences et l’incohérence de la dérogation légale actuelle, qui contredit d’autres mesures de protection, comme l’interdiction pour les mineurs d’être affectés à des tâches d’abattage ou d’euthanasie d’animaux. Il a aussi rejeté les accusations selon lesquelles ce texte viserait à abolir la corrida, affirmant qu’il s’agit simplement de protéger les enfants.

« Pourquoi est-il si difficile d’adopter une mesure somme toute bénigne et de bon sens ? »

a-t-il interrogé, tout en soulignant que les traditions bienfaitrices doivent être préservées, mais pas celles qui nuisent au développement des enfants. Enfin, pour répondre aux critiques sur la proportionnalité des sanctions, il a proposé un amendement limitant la peine à une amende de 7 500 euros, similaire à celle pour la vente d’alcool aux mineurs, réitérant son appel à la cohérence et à la responsabilité législative.

Raymonde Poncet Monge, sénatrice du groupe Écologiste, Solidarité et Territoires (EST), s’est illustrée par son soutien déterminé à la proposition de loi. Déjà engagée dans ce combat, elle avait elle-même déposé, le 22 novembre 2023, une proposition de loi visant à interdire les corridas et les écoles taurines aux mineurs de moins de 16 ans. Lors des débats, elle a mis en avant l’impératif de protection de l’enfance, rappelant que « l’exposition à des actes de violence contrevient au bon développement de l’enfant » et dénonçant l’exception légale accordée à la corrida sous prétexte de tradition :

« Il n’est plus acceptable que la corrida échappe à l’ensemble des prescriptions morales et juridiques de la protection de l’enfance : celle-ci doit pouvoir s’appliquer en toute chose et partout. »

Mme Poncet Monge a également réaffirmé avec force que son engagement ne visait rien d’autre que la défense des droits des enfants : « J’ai déposé une proposition de loi identique à celle qui nous est soumise aujourd’hui, et je n’autorise personne à dire que je pensais à autre chose, par exemple à interdire la corrida. »

Elle a aussi porté un amendement visant à interdire les écoles taurines aux mineurs, dénonçant fermement l’apprentissage de la cruauté :

« Rien ne justifie que l’on autorise, voire que l’on incite, un enfant à tuer un animal de façon gratuite. […] Il s’agit pour nous d’un entraînement à la cruauté gratuite envers un animal. »

Enfin, elle a exprimé la position claire de son groupe sur le sujet : « Nous sommes, nous aussi, convaincus de l’utilité de fixer une limite d’âge à la corrida, ce spectacle de cruauté gratuite qu’il ne faut absolument pas offrir aux enfants. »

Le groupe EST a soutenu la proposition de loi de manière constante lors des trois scrutins, affirmant une position claire et résolue contre l’exposition des mineurs à la violence des corridas.

Sophie Briante-Guillemont, sénatrice du groupe RDSE, a soutenu la proposition de loi tout en précisant que son groupe disposait de la liberté de vote. Elle a dénoncé l’incohérence entre les récents engagements du Sénat pour la protection de l’enfance et l’opposition à cette mesure : « Ce devrait être l’enfant, toujours l’enfant. » Estimant que la violence des corridas n’est « absolument rien d’anodin », elle a appelé à respecter l’intérêt supérieur de l’enfant, en référence à la Convention internationale des droits de l’enfant.

Laurence Rossignol, sénatrice du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER), a défendu la proposition de loi en rappelant que la corrida constitue une exception au droit commun sur la protection animale :

« Même ceux qui défendent la corrida doivent avoir le courage de dire que celle-ci est uniquement une dérogation à l’ensemble de nos règles de droit sur la protection des animaux. »

Elle a souligné l’importance d’éduquer les enfants au refus de la cruauté et de la souffrance animale, estimant que ces spectacles ne doivent pas devenir une source de réjouissance pour eux. Rejetant les accusations d’atteinte à l’autorité parentale, elle a établi un parallèle avec d’autres mesures de protection des mineurs, comme l’interdiction des casinos ou de l’accès à la pornographie :

« Tout le droit de la protection de l’enfance s’est construit sur des dérogations à la liberté éducative et à l’autorité parentale ».

Par son plaidoyer, Laurence Rossignol a fermement inscrit ce débat dans une logique de cohérence législative et de progrès éducatif.

Nicole Duranton, sénatrice RDPI et cosignataire de la proposition de loi, a appelé à un débat équilibré tout en précisant que son groupe était divisé sur la question : « Chacun aura la liberté de vote sur ce texte et suivra la boussole de sa conscience ». Convaincue de la nécessité de protéger les mineurs, elle a affirmé : « Pourquoi ne pas protéger nos enfants de cette violence, alors que le droit français prémunit déjà les mineurs contre une trop grande exposition à la violence virtuelle dans les films ou les jeux vidéo ? »

Cependant, elle a cherché à ménager la corrida en avançant des arguments contradictoires, prétendant notamment que les écoles taurines « transmettent des valeurs de discipline, de courage et de respect » et insistant sur leur prétendue importance économique. Malgré cette posture, elle a voté en faveur de la PPL et de l’amendement interdisant l’accès aux écoles taurines pour les moins de 16 ans. 

Thomas Dossus, sénateur du groupe Écologiste, Solidarité et Territoires (EST), a soutenu avec détermination la PPL et co-déposé l’amendement visant à interdire l’accès aux écoles taurines pour les mineurs de moins de 16 ans. Il a souligné le rôle essentiel de la société dans la protection des enfants, affirmant :

« C’est bien la société qui doit fixer les limites : on ne se réfugie pas derrière l’autorité parentale pour interdire aux mineurs d’accéder à de tels sites [de pornographie]. C’est la même chose pour les sites de paris en ligne. »

En établissant un parallèle entre ces restrictions et l’exposition des mineurs à la violence des corridas, il a conclu :

« Il n’est pas acceptable d’exposer un mineur à un spectacle de torture animale. »

Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice du groupe des Socialistes Écologistes et Républicains (SER), a voté en faveur de la proposition de loi lors des trois scrutins, tout en relayant les divergences au sein de son groupe. Elle a plaidé pour la protection des enfants contre l’exposition à la violence, déclarant :

« On ne peut pas, à la fois, trouver normal que la vente d’alcool ou les jeux de hasard soient interdits aux mineurs, et considérer que, en l’espèce, l’autorité parentale serait toute-puissante. »

Cependant, elle a qualifié les corridas de « spectacles absolument époustouflants » et décrit avec enthousiasme leur ambiance, allant jusqu’à encourager, paradoxalement, à y assister « pour se faire une opinion ». Ce double discours révèle à l’évidence les tensions entre convictions personnelles, pressions politiques et stratégie d’équilibre.

Christopher Szczurek, sénateur RN, s’est démarqué par une prise de position personnelle en faveur de la proposition de loi et a condamné sans équivoque la corrida. Se distanciant des positions traditionnelles de son parti et saluant « les acteurs qui œuvrent pour la dignité animale », il a affirmé :

« J’ai des convictions animalistes profondes et ancrées (…) Il me semble que l’ultraviolence est déjà suffisamment présente dans notre société pour que l’on fasse l’économie d’un esthétisme morbide, à plus forte raison lorsque l’exposition des mineurs est en jeu. »

Critiquant la justification symbolique de la corrida, il a dénoncé l’hypocrisie des défenseurs de cette pratique :

« Les mêmes qui nous disent qu’il ne faut pas humaniser l’animal à outrance sont ceux qui nous expliquent qu’il est glorifié et honoré dans la corrida, afin de chercher à parer celle-ci de noblesse. »

Il a également rappelé le rôle du législateur dans l’évolution des traditions :

« Ce qui fait une civilisation, c’est aussi la manière dont elle garde les traditions bienfaitrices et écarte progressivement les autres. »

Guillaume Gontard, sénateur écologiste, a soutenu la proposition de loi en rappelant que la protection des enfants doit primer sur la préservation des traditions. « Heureusement qu’on ne s’autorise pas tout en leur nom ! », a-t-il déclaré, soulignant que les perceptions évoluent avec le temps. Partageant son propre « traumatisme » après avoir assisté à une corrida, il a dénoncé « une mise en scène de la mort, de la cruauté, une célébration de la mort », affirmant que si des adultes peuvent choisir d’y aller, les enfants, eux, doivent être protégés. Il a conclu en insistant sur la responsabilité des adultes d’éviter d’exposer les mineurs à de telles scènes, au cœur de cette proposition de loi.

3. Les sénateurs qui se sont opposés à la PPL

3.1 Louis Vogel, rapporteur de la commission des lois

Louis Vogel, rapporteur de la commission des lois, a dénoncé un dispositif incohérent, car il traite de manière uniforme deux pratiques distinctes – corridas et combats de coqs – alors qu’elles diffèrent largement dans leurs conditions d’organisation et leur contexte culturel. Il estime que la proposition, sans concertation préalable, risquerait de provoquer des tensions inutiles, notamment dans les territoires ultramarins, où les combats de coqs font partie des traditions locales.

Louis Vogel a critiqué l’absence de distinction claire entre la participation et la simple présence des mineurs aux corridas, ainsi que le manque de prise en compte explicite des écoles taurines dans le texte. Selon lui, les sanctions proposées sont disproportionnées et pourraient indirectement conduire à interdire la corrida, ce qui dépasse l’objectif affiché de protéger les mineurs.

Concernant l’âge de 16 ans, il a souligné qu’aucun consensus n’avait émergé lors des auditions. 

Enfin, Louis Vogel a contesté la légitimité du législateur à intervenir dans ce domaine, affirmant que l’autorité parentale, encadrée par le Code civil, reste le cadre approprié pour décider si un enfant peut assister à ces spectacles. Pour lui, les règlements municipaux des collectivités concernées constitueraient un véhicule plus adapté pour encadrer ces pratiques et tenir compte des sensibilités locales.

Concluant que le texte est juridiquement inapplicable avec des sanctions disproportionnées, il a appelé à son rejet, jugeant qu’il n’apporte pas de solution adaptée aux enjeux soulevés.

Rapport de M. Louis Vogel
Examen du rapport et du texte de la commission des lois  

3.2 Didier Migaud, garde des sceaux

Le garde des sceaux, Didier Migaud, représentant officiel de la position du gouvernement, a reconnu l’importance de protéger les enfants tout en s’opposant à la proposition de loi. Il a estimé que l’État ne doit pas intervenir dans les choix culturels des parents, affirmant que « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être guidé par ses parents ». Il a jugé la pénalisation inadaptée et susceptible de déresponsabiliser les parents, déclarant que « ce n’est pas en sanctionnant que nous pourrons résoudre le problème ».

S’appuyant sur les dispositions légales existantes et la jurisprudence, il a allégué que la proposition de loi risquait de déséquilibrer un cadre juridique validé par le Conseil constitutionnel, évoquant « des effets de bord non négligeables ».

Enfin, il a adopté une attitude condescendante, s’en remettant à la « sagesse » du Sénat pour choisir la meilleure façon d’enterrer le texte :

« Le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi. Sur la façon d’arriver à un rejet – amendement de suppression des articles ou vote final négatif sur le texte –, je m’en remets à la sagesse du Sénat… ».

3.3 Florilège de mauvaise foi ...

Les sénateurs opposés à la proposition de loi ont repris la rhétorique fallacieuse du milieu taurin : 

  • Respect des traditions culturelles locales
"La corrida et ses acteurs ont pour tutelle le ministère de la culture. Ce n’est pas anodin, car il s’agit là d’un pan de notre culture que l’on voudrait pouvoir librement transmettre aux jeunes générations."(Laurent Burgoa, LR)

C’est totalement faux ! La corrida ne dépend absolument pas du ministère de la Culture ; elle ne dépend d’ailleurs d’aucun ministère. 

"Je suis élu de l’une des trois régions – l’Occitanie, la Nouvelle-Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d’Azur – dans lesquelles les traditions taurines sont sacrées. " (Jean-Pierre Grand (LIRT)
  • Transmission intergénérationnelle 
"Les aficionados, dont je fais partie, n’ont jamais manifesté une quelconque volonté de prosélytisme dans les différents départements où ils se trouvent. Ils souhaitent simplement que cette culture soit respectée et puisse être transmise, comme cela a toujours été le cas." (Laurent Burgoa, LR)
  • Rôle des parents et autorité parentale
"Les parents ne sont-ils pas les meilleurs gardiens de l’intérêt supérieur de l’enfant ? Il faut donc les laisser exercer leurs responsabilités." (Henri Cabanel, RDSE)
"Faut-il interdire aux mineurs d’être présents ? Derrière cette question, il y en a une autre : est-ce à nous de l’interdire, plutôt qu’aux parents qui le souhaiteraient ?" (Cécile Cukierman, CRCE)
  • Existence de réglementations locales

Les municipalités auraient déjà mis en place des mesures pour encadrer la présence des mineurs lors des corridas, ce qui est complètement faux ! 

"Les acteurs locaux, en particulier les municipalités qui organisent les corridas, ont été à l’écoute de la société et ont observé ses évolutions. Toutes les municipalités qui accueillent des arènes […] traitent cette question avec une grande précaution, en prenant évidemment en compte la protection des mineurs" (Max Brisson, LR)

 

"Les collectivités membres de l’Union des villes taurines françaises (UVTF) n’ont d’ailleurs pas attendu le législateur pour prévoir, à l’article 30 du règlement taurin, que les mineurs de moins de 12 ans doivent être accompagnés." (Laurent Burgoa, LR)

 

"Les jeunes mineurs qui assistent à une corrida sont accompagnés d’adultes qui leur ont auparavant expliqué certaines choses."(Monique Lubin, SER)
 

Cet ajout à l’article 30 du règlement taurin relève d’une hypocrisie flagrante et ne protège en rien les enfants. Aucun mineur ne se rend seul à une corrida, et cette modification opportuniste a été introduite, comme par hasard, juste après le dépôt de la proposition de loi.

  • Absence de preuves de l’impact négatif sur les mineurs

"Aucune étude scientifique n’a démontré que les spectacles taurins présentaient un quelconque danger pour les enfants ni qu’ils avaient un impact négatif sur eux." (Jean-Pierre Grand, LIRT)
  •  Faible nombre d’enfants 

"J’assiste de temps en temps à une corrida et je peux témoigner du fait que le nombre d’enfants présents est infinitésimal. (...) Les enfants ne sont quasiment jamais exposés à un spectacle de corrida. (...) Je le redis, le nombre des mineurs qui assistent à des corridas est infinitésimal " (Monique Lubin, SER)
  • Comparaison avec d’autres formes de violence
"Si on interdit aux mineurs d’assister à une corrida, il faudrait également leur interdire les combats de boxe, parce que la violence y est très dure." (Laurent Burgoa, LR)
"Le sujet de l’empreinte psychologique que laisse une corrida, même occasionnelle, est semblable à celui de l’accusation faite aux jeux vidéo pratiqués quotidiennement de rendre les enfants violents." (Cécile Cukierman, CRCE)
"Est-ce violent d’emmener un enfant de 6 ans au Louvre voir des statues grecques nues ? On peut s’interroger, parce que chacun a sa propre définition de la violence."(Cécile Cukierman, CRCE)
"Un mineur de 15 ans pourrait donc assister à la mise à mort d’un cerf lors d’une chasse à courre, mais ne pourrait pas assister à la mort d’un taureau dans une arène ! Je ne comprends pas la logique…" (Pierre Ouzoulias, CRCE) 
"Dans certains pays étrangers […] des mineurs participent à la mise à mort dans les abattoirs."(Pierre Ouzoulias, CRCE) 
"Prenez votre téléphone portable et tapez « jeux très violents » dans son moteur de recherche : la première des réponses qui apparaît est « jeux sanglants ». Sur ces sites, on propose aux joueurs des armes, le but étant de tuer le maximum de gens. N’importe qui peut avoir accès à ces contenus. Et là, on ne fait rien !" (Henri Cabanel, RDSE)
  • Risque de développement de combats de coqs clandestins  

"Mais, de manière plus pragmatique, l’on voit bien qu’un tel encadrement pourrait, tout simplement, aboutir au développement de combats illégaux. Tentons d’éviter de favoriser de telles dérives" (Isabelle Florennes, UC)
  • Incohérences et imprécisions juridiques de la PPL

"L’instrument juridique retenu est inadapté au but recherché." (Jean-Pierre Grand, LIRT)
"Le texte n’est pas opérationnel d’un point de vue juridique parce que son objectif est différent des motifs invoqués." (Éric Kerrouche, SER)
  •  Il y a d’autres priorités 

"Dans une période où le débat public est souvent très tendu, avec une Assemblée nationale morcelée, y avait-il urgence à se préoccuper de l’accès des mineurs aux corridas et aux combats de coqs ?" (Isabelle Florennes, UC)
"Ce texte me semble déconnecté […] et surtout non prioritaire, dans un contexte politique, économique et social où le bloc parlementaire central doit faire face à l’activisme des extrêmes." (M. Jean-Pierre Grand, LIRT)
  • La corrida comme facteur éducatif et social (!)

"Une école taurine n’est pas une école de la barbarie […] C’est une école de règles, une école de codes, un apprentissage de la vie, d’une histoire et d’une culture." (Monique Lubin, SER)
"Des jeunes apprennent dans les arènes le samedi après-midi […] Ces jeunes suivent des cours où leur est enseigné le respect des uns et des autres."(Laurent Burgoa, LR)
  • Impact économique et touristique des corridas

"Dans les communes où l’on trouve des arènes, les enjeux touristiques sont aussi centraux, pour les corridas d’abord, mais aussi pour tout ce qu’il y a autour et pour les retombées économiques qui en découlent." (Cécile Cukierman, CRCE)
"Ne détruisons pas, par l’adoption de cette proposition de loi, la pratique de la tauromachie, qui irrigue toute une culture populaire dans nos territoires, entre la région des Garrigues et la Méditerranée, entre les Pyrénées et la Gascogne." (Jean-Pierre Grand, LIRT)
  • L’ONU n’est pas une référence !
" Les positions de l’ONU ne sont pas l’alpha et l’oméga de ce que nous devons décider en France. " (Max Brisson, LR)

4. Dans la presse

(Liste non exhaustive)

 14 novembre 2024 – Le Monde – « Corrida : le Sénat examine un texte visant à interdire l’accès aux moins de 16 ans » – Lien vers l’article

14  novembre 2024– Le Figaro – « Les Sénateurs s’opposent à l’interdiction de la corrida pour les mineurs » – Lien vers l’article

14 novembre 2024 – La Dépêche – « Corrida interdite aux mineurs de moins de seize ans : le Sénat rejette la proposition de loi » – Lien vers l’article

14 novembre 2024 – Public Sénat – « Après des débats nourris, le Sénat rejette l’interdiction de la corrida pour les mineurs de moins de 16 ans » – Lien vers l’article

14 novembre 2024 – CNews – « Corrida : le Sénat s’oppose à l’interdiction des spectacles aux moins de 16 ans » – Lien vers l’article

14 novembre 2024 – Midi Libre – « La corrida interdite aux mineurs de moins de seize ans : le Sénat rejette la proposition de loi » – Lien vers l’article

14 novembre 2024 – La Provence – « Corrida : le Sénat rejette l’interdiction pour les mineurs de moins de 16 ans » – Lien vers l’article

15 novembre 2024 – Le Journal du Dimanche – « Interdiction de la corrida aux mineurs : le Sénat rejette massivement la proposition de loi » – Lien vers l’article

15 novembre 2024 – France 3 Régions – « Corrida : ‘la France a raté l’occasion’, les opposants déçus après le rejet par le Sénat de l’interdiction aux moins de 16 ans » – Lien vers l’article

15 novembre 2024 – Le Progrès – « Corridas : le Sénat s’oppose à l’interdiction pour les moins de 16 ans » – Lien vers l’article

15 novembre 2024 – La Croix – « Le Sénat rejette l’interdiction de la corrida pour les mineurs » – Lien vers l’article

15 novembre 2024 – Libération – « Corrida : le Sénat dit non à l’interdiction pour les moins de 16 ans » – Lien vers l’article

16 novembre 2024 – Ouest-France – « Corrida : le Sénat rejette l’interdiction pour les mineurs de moins de 16 ans » – Lien vers l’article

16 novembre 2024 – Sud Ouest – « Corrida : le Sénat s’oppose à l’interdiction pour les moins de 16 ans » – Lien vers l’article

17 novembre 2024 – Le Parisien – « Corrida : le Sénat rejette l’interdiction pour les mineurs » – Lien vers l’article

17 novembre 2024 – L’Humanité – « Corrida : le Sénat refuse d’interdire l’accès aux mineurs » – Lien vers l’article

18 novembre 2024 – Les Échos – « Corrida : le Sénat rejette l’interdiction pour les moins de 16 ans » – Lien vers l’article

à propos

Le COLBAC a pour but final l’abolition de la corrida. Nous nous opposons à la propagande et à la désinformation du milieu taurin, ainsi qu’à la justification de la torture animale comme relevant d’un art ou d’une tradition encore acceptable.

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