Parmi les » aficionados « , c’est-à-dire les amateurs de corridas, un conflit ancien et permanent oppose » toristas » et » toreristas « .
Les » toreristas « , ou amateurs de toreros, ne se rendent aux arènes que pour admirer l’art des toréadors et pour applaudir à la victoire de l’homme sur la bête. Le taureau n’est à leurs yeux que le faire -valoir des hommes en habit de lumière. A la gloire de leurs idoles, les » toreristas » constituent des associations d’admirateurs appelées » peñas » : peña Nimeño II, peña Cesar Rincon, etc.
Au contraire, les » toristas « , ou amateurs de » toros « , ne fréquentent les arènes que pour admirer ces animaux auxquels ils vouent un culte. Ce qu’ils demandent au toréador, c’est de mettre en valeur les qualités de la bête : Force, Bravoure, Ardeur, Inlassable combativité. Ils haïssent et dénoncent les manipulations frauduleuses par lesquelles on amoindrit les taureaux pour les rendre moins dangereux : cornes sciées, drogues, aliments artificiels générateurs d’obésité, coups de pique délibérément mal placés qui rendent les taureaux invalides dès le début du combat, etc.
Si les » toreristas » ont fait la gloire de Manolete, du Cordobes et de Curro Romero, les » toristas » ont fait la gloire de certains éleveurs : Miura, Palha, Victorino Martin, Dolores Aguirre, qui produisent les taureaux les plus redoutés de la péninsule ibérique.
Majoritaires parmi les » aficionados « , les » toreristas » contrôlent la plupart des arènes et des publications taurines.
Parmi les rares arènes françaises à dominante toriste, la plus ancienne est Vic-Fezensac (Gers). La plus réputée actuellement est Céret (Pyrénées Orientales). L’orientation toriste d’Alès (Gard), très récente, reste à confirmer. Parce que les » figuras » (toréadors vedettes) refusent d’affronter du bétail dangereux, les arènes toristes ne programment que des toreros moins connus qui, pour acquérir la gloire qui leur manque, acceptent d’affronter les animaux issus des élevages les plus redoutés .
Parmi les nombreux périodiques taurins, un seul, depuis la disparition du mensuel » Tendido « , a une orientation toriste déclarée : la revue » Toros » (Nîmes)
Les toristes sont accusés d’être des brutes attardées, nostalgiques de la corrida-carnage du siècle dernier. On leur reproche d’être insensibles à l’art et à la beauté, de n’aimer que les bulldozers encornés massacrant tout sur leur passage. En somme ils voudraient transformer les arènes en » Jurassic park « .
Les toristes répondent que les fraudes commises portent atteinte à » l’éthique » de la corrida et génèrent un spectacle sans émotion ni attrait, fade et donc condamné à disparaître.
Les toristes sont si déçus par l’évolution actuelle de la corrida que certains finissent par déserter les arènes. N’en concluons pas qu’ils sont proches de nous, même quand, par révolte contre les fraudes, ils se disent à deux doigts d’adhérer à la S.P.A.
Ce sont au contraire des spectateurs féroces, pleins de mépris pour les animaux faibles ou pacifiques et insensibles aux souffrances d’autrui. Dans les trois » tercios » de la corrida, ils privilégient le premier parce que la force et la bravoure d’un taureau se manifestent surtout quand il culbute les lourds chevaux des picadors et quand il s’acharne contre eux malgré les terribles blessures et les horribles souffrances qu’inflige la pique.